Grand débat: sous pression après les violences à Paris, Macron peut-il aller plus vite?

Emmanuel Macron pensait voir le bout du tunnel. Mais la sortie du grand débat lancé en réponse à la crise des gilets jaunes s'annonce plus que jamais délicate pour l'exécutif. Ce 18ème samedi de mobilisation s'est ainsi accompagné d'un regain de violence à Paris, avec les Champs-Elysées fortement saccagées par les manifestants: 80 enseignes ont été touchées, dont une vingtaine pillées ou victimes de départs d'incendie, selon une association de commerçants qui demande à être reçue par le Premier ministre. Dimanche, le parquet de Paris faisait également état, selon nos informations, de 200 personnes placées en garde à vue, dont 15 mineurs.
L'exécutif sous pression
Samedi, au total 32.300 personnes se sont mobilisées dans toute la France selon l'Intérieur, 230.766 selon le décompte des gilets jaunes posté sur Facebook. Beauvau avait dénombré 28.600 personnes la semaine précédente, la plus faible mobilisation depuis le début du mouvement le 17 novembre qui avait alors enregistré un "pic" de 282.000 manifestants.
La pression est donc plus que jamais présente sur l'exécutif qui avait pu se satisfaire d'un déclin de la mobilisation des gilets jaunes ces dernières semaines, mais aussi d'un inversement de tendance dans l'opinion publique, à présent majoritairement en faveur d'un arrêt du mouvement. Avec une énigme: la teneur des réponses apportées par l'exécutif, attendues au tournant par les Français.
Incertitudes sur les issues du grand débat
Si le gouvernement qualifie le grand débat d'une "réussite", avec plus de 10.300 réunions locales et de 1,4 million de contributions sur le site dédié, peu de choses ont filtré sur ses conséquences directes. La phase de la restitution et de la synthèse s'ouvre désormais et le pouvoir en place s'est donné jusqu'à la mi-avril pour décider ce qu'il compte faire des très nombreuses propositions qui ont émergé.
Un "atterrissage" qui risque d'apporter son lot de déceptions, de l'aveu même du Premier ministre Edouard Philippe, d'après des propos rapportés. Ce dernier, devant le le Conseil économique, social et environnemental (Cese), a prévenu qu'il n'y aurait pas d'annonces immédiates.
"Imaginer qu'il serait possible de sortir du grand débat national par une série d'annonces, de vérités révélées - ou révélées après avoir écouté le grand débat - c'est se tromper sur la nature même de l'exercice et sur la volonté même de ceux qui y ont participé", a-t-il déclaré.
Le grand débat doit se poursuivre pendant encore un mois sous d'autres formes (conférences citoyennes d'ici la fin mars, puis débat au Parlement début avril). Et l'incertitude demeure encore sur les choix de l'exécutif pour sortir du grand débat, sur la forme comme sur le fond: référendum, projets de lois, Grenelle social?
Sept Français sur dix pensent, par ailleurs, que le grand débat ne permettra pas de sortir de la crise que traverse le pays, selon un sondage récent.
Des "décision fortes" attendues
Ce calendrier serré peut-il être secoué? C'est ce qui semble émerger selon les récentes déclarations d'Emmanuel Macron.
"Beaucoup de choses ont été faites depuis novembre", a souligné le président, rentré plus tôt que prévu de son week-end de ski. "Mais très clairement", la journée de samedi "montre que sur ce sujet-là et pour ces cas-là, nous n'y sommes pas (...). Je veux qu'on analyse les choses, et que, dans les meilleurs délais, on puisse prendre des décisions fortes, complémentaires, pour que cela n'advienne plus", a-t-il également affirmé.
Une réunion de plusieurs membres du gouvernement, autour du Premier ministre Edouard Philippe, a débuté dimanche peu après 17h30. Elle devait évoquer les "décisions fortes" promises la veille par Emmanuel Macron, même si aucune annonce n'est attendue dans l'immédiat.
"Incompétence" et "impuissance"
L'exécutif doit aussi faire face à un nouveau feu nourri de critiques face à sa gestion de la crise, les oppositions fustigeant son "incompétence", son "irresponsabilité" et son "impuissance". La droite reproche en particulier à Emmanuel Macron de s'être privé d'une application rapide de la loi anticasseurs, votée cette semaine au Parlement, par sa saisine du Conseil constitutionnel.
Sur notre antenne, François-Xavier Bellamy, tête de liste Les Républicains aux élections européennes, a affirmé que: "Le tort ne revient pas aux forces de l'ordre, qui font un travail considérable et qui sont épuisées [...] le tort revient évidemment au gouvernement qui est en train de commenter au lieu d'agir".
Le député LR Eric Ciotti a clairement dit au JDD: "Cette violence arrange le gouvernement". La présidente du Rassemblement national, Marine Le Pen a renchéri: "On peut se poser la question." "Pourquoi les forces de l'ordre ne sont pas intervenues, quelles consignes ont été données?", a aussi interrogé Xavier Bertrand (ex-LR).
Pour le numéro un du PS Olivier Faure, le gouvernement est entré "dans une logique sécuritaire" qui lui "permet d'esquiver un autre débat, le débat social". Il a aussi ironisé sur les annonces "entre deux verres" du ministre de l'Intérieur Christophe Castaner. La maire socialiste de Paris Anne Hidalgo demande quant à elle "des explications" et des mesures "pour sortir de ce cauchemar", dans un entretien au Parisien dimanche.
Certains groupes de gilets jaunes ont déjà appelé dimanche à une 19e journée de mobilisation nationale.