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SNCF: pourquoi Philippe a finalement accepté de rencontrer les syndicats

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Le rendez-vous est donné le 7 mai à Matignon, entre le chef du gouvernement et les syndicats opposés à la réforme de la SNCF. Ce revirement sonne comme un désaveu pour la ministre des Transports, mais ne constitue pas forcément une victoire pour les organisations syndicales.

Après des semaines inflexibles, Edouard Philippe a choisi de tendre la main aux syndicats. Il les rencontrera le 7 mai à Matignon, pour des discussions bilatérales autour de la réforme de la SNCF. Annoncée mardi soir, cette invitation est présentée comme une petite victoire par les organisations syndicales. Laurent Brun, secrétaire général de la CGT cheminots, y a même vu mardi "un recul du gouvernement à mettre au crédit" de la mobilisation. "Le Premier ministre prend le dossier en main, c'est un élément positif pour nous à mettre au crédit du rapport de force", a-t-il ajouté.

Exit Elisabeth Borne

Ce revirement intervient six jours après un premier refus d'Edouard Philippe, alors que les syndicats ont claqué la porte des négociations avec la ministre des Transports. Ils avaient demandé à rencontrer le chef du gouvernement, reprochant à Elisabeth Borne de n'avoir pas réellement les clés en main pour décider de l'avenir de la réforme, et surtout de mal incarner les négociations. 

"Le produit de sortie de ce projet de loi a fait qu’on conteste la méthode utilisée par la ministre des Transports pour négocier, qu’on a fait appel au Premier ministre", a martelé ce mercredi Erik Meyer sur BFMTV.
"On est dans une situation de blocage créée par la direction (de la SCNF, ndlr) et par le gouvernement. S’il a fallu attendre le 7 mai alors que le premier jour de grève était le 3 avril, ce n’est pas de notre fait", a ajouté le secrétaire fédéral de Sud-Rail. 

Edouard Philippe a posé ses conditions

La lettre d'Édouard Philippe est une réponse au courrier envoyé par l'intersyndicale à Elisabeth Borne, dans laquelle ils expliquaient avoir ressenti les annonces du projet de filialisation de l'activité fret, puis celle de la date d'arrêt des recrutements au statut de cheminot, fixée au 1er janvier 2020, comme "une véritable provocation". Exit Elisabeth Borne, Edouard Philippe reprend donc les rênes.

Pour autant, faut-il voir dans cette rencontre à venir une nouvelle fenêtre de tir pour les syndicats? A voir les conditions posées par le Premier ministre, leur marge de manoeuvre semble limitée. Tout d'abord, le texte de loi a été adopté en première lecture à l'Assemblée nationale et doit maintenant passer au Sénat, à partir du 23 mai. L'examen en séance publique aura lieu du 29 au 31 mai.

Mettre l'opinion de son côté

Ensuite, si le Premier ministre a choisi la date du 7 mai, ce n'est sans doute pas par hasard. L'exécutif, dont la cote de popularité connaît une embellie, s'offre ainsi une période de répit. D'ici-là, après la manifestation du 1er mai, qui ne sera pas unitaire, la mobilisation pourrait faiblir, et le soutien de Français au mouvement de grève s'étioler encore un peu. Ce qui permettrait au gouvernement de se placer en position de force.

Un jeu identifié par les syndicats, décidés à ne pas se laisser faire: ce mercredi, l'intersyndicale a appelé à un rassemblement supplémentaire le 3 mai, et surtout, pour le 14, les quatre organisations représentatives prévoient déjà une "journée sans cheminots", si leurs revendications n'étaient pas entendues le 7 mai.

"No chance" que l'exécutif recule

Dans son courrier, Edouard Philippe confirme la reprise progressive de la dette de la SNCF par l'Etat à partir du 1er janvier 2020 mais rappelle que cela "demandera un effort supplémentaire des contribuables, qui apportent déjà chaque année plusieurs milliards d'euros au financement du système ferroviaire". Une manière de mettre l'opinion publique de son côté, d'autant que ce mercredi, Gérald Darmanin, le ministre de l'Action et des comptes publics, a affirmé que cette reprise se ferait sans augmentation d'impôt. 

Autre détail d'importance, la rencontre sera "bilatérale", afin d'éviter pour le Premier ministre de se retrouver face à un front syndical uni: chaque organisation sera reçue tour à tour. Edouard Philippe et Emmanuel Macron, dont les courbes de popularité se suivent inlassablement, parlent d'une seule voix. Et le président l'a dit dimanche, en anglais: "no chance" qu'il recule, aucun espoir qu'il fasse marche arrière sur les réformes.

"Si j'arrête, pensez-vous vraiment que je serai capable de moderniser le pays? Non. Ce sera fini", a-t-il déclaré sur la chaîne conservatrice américaine Fox News.

Charlie Vandekerkhove