La SNCF s'agace d'être toujours bloquée en Italie: les autorités transalpines pourraient prendre une décision mi-septembre

Si la SNCF a encore bouclé un très bel été en termes de trafic avec 25 millions de passagers sur les lignes domestiques (+2,4%), la compagnie se félicite également de ses succès européens. Ainsi, près de 7 millions de passagers ont emprunté les trains de la SNCF en Espagne ou encore au Royaume-Uni, contre 6 millions l’été dernier, soit une progression annuelle de 13%.
L'international est un axe stratégique pour l'opérateur, notamment en tant qu'acteur domestique comme avec Ouigo Espagne. Concrètement, la SNCF entend doubler le nombre de ses passagers sur le Vieux continent en moins de 10 ans. Mais cet objectif est aujourd'hui freiné par le blocage de son développement en Italie. Rappelons que SNCF Voyageurs avait annoncé son intention d'attaquer ce marché en 2026 avec à terme 14 allers-retours sur deux lignes: Turin-Milan-Rome-Naples et Turin-Venise avec 15 de ses tout nouveaux TGV M.
"Absolument inacceptable"
Mais ce lancement a été retardé d'un an. En cause, le manque de visibilité sur les sillons que la SNCF souhaite obtenir pour faire rouler ses trains à grande vitesse.
Il semble que les propositions faites par Rete Ferroviaria (l'équivalent italien de SNCF Réseau) ne conviennent pas au groupe français, elles sont jugées insuffisantes en volume et mal adaptées en horaires. Rappelons que ces sillons déterminent les horaires des trains, un point hautement stratégique.
"L'accord-cadre est absolument inacceptable", réagissait alors la SNCF.
L'accès aux installations de maintenance pose également problème, l'opérateur n'a pour l'instant pas de solution concrète dans le pays pour accueillir ses 15 TGV M à deux niveaux. L'idée est de se faire une place dans un de ceux de la Ferrovie dello Stato (FS), la compagnie nationale.
Face à ce qu'elle considère comme une entrave, SNCF Voyageurs Italia a saisi pendant l'été 2024 le gendarme italien de la concurrence qui a ouvert une enquête pour abus de position dominante et "stratégie d'exclusion" à l'encontre de la FS.
Un an après, la situation semble au point mort, tant au niveau des sillons que de l'accès à un centre de maintenance. "L’enquête est toujours en cours, nous espérons trouver un débouché positif dans les mois qui viennent. Nous sommes convaincus de la pertinence du projet mais aussi du droit – en vertu du droit européen – à accéder à un marché qui est ouvert aux nouveaux opérateurs", explique au Petit Journal, Caroline Chabrol, directrice générale de la filiale italienne.
Une décision à la mi-septembre
"Aujourd’hui, la capacité est insuffisante pour être en adéquation avec notre business plan et le modèle industriel et commercial", poursuit-elle.
Mais alors que le temps passe, on commence à s'impatienter. Christophe Fanichet, patron de SNCF Voyageurs s'est ainsi rendu en personne en Italie fin juillet afin d'exercer une amicale pression sur les autorités italiennes.
A La Repubblica, il affiche un discours ferme: ce report "ne change en rien notre projet italien. Il n'y a qu'une seule option pour 2027: le lancement du service".
Difficile d'y voir une relation de cause à effet mais selon nos informations, le gendarme italien de la concurrence devrait rendre une décision à la mi-septembre. Mais rien ne dit qu'elle penchera en faveur de SNCF Voyageurs.
Pour autant, il n'y a pas de problèmes de saturation sur les voies à grande vitesse en Italie et la demande en train est forte, comme dans toute l'Europe.
"Les ingrédients sont réunis pour qu’un troisième opérateur puisse élargir le champ de l’offre qui sera proposé", souligne Caroline Chabrol.
La promesse de tarifs 20% inférieurs à la concurrence
En attendant, l'opérateur s'attache à expliquer que son arrivée de l'autre côté des Alpes bénéficiera grandement aux voyageurs italiens. "Lorsque tout sera prêt, nous nous proposerons des tarifs très abordables, complémentaires à Trenitalia et à Italo", indique Christophe Fanichet qui promet des prix jusqu'à 20% inférieurs à ceux de leurs deux concurrents. "Notre objectif est d'attirer entre 7 et 10 millions d'Italiens qui, actuellement, ne prennent pas les trains à grande vitesse, jugeant les tarifs prohibitifs".
L'opérateur mise en effet sur la capacité de ses TGV M, plus de 650 places, pour faire baisser les prix et s'inscrire dans sa trajectoire de lancement qui sera forcément coûteuse, à l'image de Trenitalia en France qui accumule les pertes depuis 2021 ou encore de Ouigo en Espage, également dans le rouge malgré une part de marché de 20%.
Mais le marché italien a certains avantages spécifiques qui pourraient permettre à la SNCF d'atteindre plus rapidement la rentabilité avec notamment des péages 30 parfois 40% moins chers qu'en France.
Les ambitions sont fortes: SNCF Voyageurs Italie entend atteindre, en 10 ans, une part de marché de 15%.