Italie: l'arrivée des TGV de la SNCF entravée par la compagnie nationale?

Le TGV M circulera aussi en Italie. - Olivier Chicheportiche/BFM Business
Le gendarme italien de la concurrence a ouvert vendredi une enquête pour abus de position dominante à l'encontre de la compagnie des chemins de fer Ferrovie dello Stato (FS), soupçonnée d'avoir entravé l'entrée de son concurrent français SNCF Voyages sur les lignes à grande vitesse en Italie.
"L'accès à l'infrastructure ferroviaire nationale et, par conséquent, l'entrée du nouvel opérateur SNCF Voyages Italia sur le marché du transport de passagers à grande vitesse semblent ralentis, voire entravés", a indiqué l'autorité dans un communiqué.
Rete Ferroviaria Italiana (RFI), gestionnaire des voies ferrées et filiale de FS, est soupçonné d'avoir mis en oeuvre une "stratégie d'exclusion" concernant "l'attribution des capacités d'infrastructure" à SNCF Voyages Italia, poursuit-elle.
Le gendarme de la concurrence et la police financière ont effectué des inspections dans les bureaux de RFI, Ferrovie dello Stato ainsi que de Trenitalia et Italo, "qui étaient considérés comme étant en possession d'éléments utiles à l'enquête".
Un marché "très intéressant" pour la SNCF
Actuellement, SNCF Voyages "n'opère que sur la ligne internationale Milan-Turin-Paris et ne dessert pas d'autres destinations nationales", précise l'autorité.
Toutefois, la SNCF avait annoncé en juin dernier son intention d'élargir son offre en Italie à partir de 2026 avec l'ouverture de plusieurs liaisons intérieures sur la grande vitesse, envisageant d'atteindre 15% des parts de marché d'ici 2030.
Elle compte proposer à terme neuf allers-retours par jour entre Turin, Milan, Rome et Naples et quatre allers-retours entre Turin et Venise, qu'elle exploitera grâce à 15 rames des nouveaux TGV M dont les premières livraisons sont prévues pour le début 2026.
"C'est un marché très intéressant avec une infrastructure récente, 56 millions de passagers par an sur la grande vitesse", expliquait en juin dernier à BFM Business, Alain Krakovitch, directeur de TGV et Intercités à la SNCF.
"Il y a un important potentiel de progression On vise notamment l'induction, c'est-à-dire attirer des gens qui ne prennent pas le train pour se déplacer. Selon nos études, 80% d'entre eux sont appétents au train", poursuit-il.
En proposant des liaisons à grande vitesse entre les principales villes italiennes, la SNCF attaque ainsi sur son pré carré Trenitalia, qui s'est elle implantée en France fin 2021.
Péages moins élevés qu'en France
Dans cette optique, SNCF Voyages Italia a demandé en juillet 2023 à Rete Ferroviaria "l'attribution de capacités adéquates sur le réseau à grande vitesse", indique le gendarme de la concurrence.
Les péages y sont "30 parfois 40% moins chers qu'en France", précise Alain Krakovitch. De quoi contenir les pertes (incontournables) et atteindre la rentabilité plus rapidement même si cela prendra évidemment des années.
La SNCF avait formulé une demande pour un accord cadre avec le gestionnaire RFI pour une durée de 15 ans. Dans la foulée, SNCF Voyages Italia a cependant déploré que Rete Ferroviaria "ait eu un comportement obstructif" visant à "entraver l'accès à l'infrastructure ferroviaire", relève l'autorité.
L'ouverture à la concurrence ressemble de plus en plus à un parcours d'obstacles. En France, c'est l'espagnol Renfe qui estime être entravé par la SNCF et l'État dans son objectif de lancer des trains à grande vitesse depuis Paris vers Lyon notamment.
L'Europe: une stratégie centrale pour SNCF Voyageurs
Ce lancement s'inscrit dans la stratégie européenne de la SNCF qui entend en moins de 10 ans doubler le nombre de ses passagers sur le Vieux continent. L'opérateur mise donc sur l'Espagne, l'Italie et l'Europe du nord avec Eurostar qui concentre la plus grosse partie de sa clientèle européenne. Faut-il s'attendre à d'autres lancements sur le Vieux continent?
"Nous sommes capables d'atteindre ces objectifs de trafic en Europe en développant notre offre dans les pays où nous sommes déjà présents. Pour Eurostar par exemple, il y a encore beaucoup de voyageurs à aller chercher. En Italie, SNCF Voyageurs reste ouverte à la possibilité de desservir d’autres destinations, dont le sud, dès que les infrastructures le permettront", explique Alain Krakovitch, directeur de TGV et Intercités à la SNCF.