"Pas viable économiquement sans subvention": la SNCF justifie l'arrêt des trains de nuit Paris-Berlin/Vienne

Des passagers embarquent à bord du train Nightjet Paris-Vienne, le 13 décembre 2021 à la gare centrale de Vienne - JOE KLAMAR © 2019 AFP
Maintenant que l'arrêt des trains de nuit entre Paris, Berlin et Vienne a été officialisé ce lundi, SNCF Voyageurs commente finalement cette décision. L'opérateur met en avant la non-rentabilité intrinsèque des trains de nuit et conteste l'argument de l'Etat au sujet du nombre de fréquences quotidiennes.
En effet, l’État français a décidé de supprimer la subvention annuelle à la SNCF pour ces trains (10 millions d'euros par an). Sans cette aide, ÖBB et DB (qui opèrent la ligne en partenariat) n'entendent plus assumer les déficits seuls, la liaison s'arrêtera donc le 14 décembre prochain malgré son succès avec un taux de remplissage moyen de 70%.
Dans une déclaration, l'ÖBB "regrette que, suite au retrait de leurs partenaires français, les deux services de trains de nuit ne soient plus disponibles".
Dans un communiqué, l'opérateur rappelle que "l'engagement de SNCF Voyageurs dans l'exploitation de cette liaison est conditionné à cette subvention publique de l'Etat, indispensable pour assurer sa viabilité économique". D'ailleurs, toutes les lignes de nuit en France sont subventionnées.
"Même dans le cadre des hypothèses très hautes de trafic, l'équilibre économique n'est pas atteignable, compte tenu notamment du niveau des coûts de production. Alors qu'une place assise dans un avion peut être vendue jusqu'à cinq fois par jour et une place assise dans un train de jour jusqu'à quatre fois, une place dans un train de nuit ne peut être vendue qu'une fois par jour", souligne la SNCF.
Des travaux pour expliquer l'absence de liaisons quotidiennes
Selon le ministère des Transports, la décision d'arrêter la subvention "s'inscrivait dans le cadre de la préparation du budget souhaité par François Bayrou", et le ministère a opté pour laisser la priorité "au maintien des lignes intérieures nationales".
Pour autant, selon nos informations, si l'Etat a décidé de couper le robinet c'est aussi parce que la SNCF et ses partenaires n'ont pas tenu leur promesse de proposer une liaison par jour (contre trois par semaine actuellement).
Une source proche du dossier estime même que l'Etat s'est "fait piéger par SNCF Voyageurs". Cette aide de 10 millions d'euros par an était bien conditionnée à cette fréquence, assure cette source et l'Etat a constaté que SNCF Voyageurs n'a pas mis en place le service souhaité (et promis).
Faux, rétorque le groupe. "Compte tenu des travaux très importants sur le réseau en France et en Allemagne, le passage en circulations quotidiennes à compter de 2026, comme c'était l'objectif initial, n'était plus envisageable. Ainsi une fréquence de 3 allers-retours avait été maintenue pour la préparation du service annuel 2026, et ce en accord avec l'Etat", insiste le groupe.
Enfin, la SNCF conteste également un manque de volonté dénoncé par les associations notamment le fait que la SNCF ne vende pas les billets pour ces tyrains de nuit sur sa plateforme SNCF Connect, "et n'informe même pas sur l'existence de ces trains qu’elle opère pourtant, limitant ainsi les recettes de la ligne", regrette l'association "Oui au train de nuit".
Son absence de SNCF Connect? Temporaire, répond la SNCF
"Depuis mai 2024, l'offre de nuit Paris-Vienne/Berlin n'est temporairement pas accessible sur l'ensemble des canaux de distribution SNCF Voyageurs. Cette interruption momentanée est liée au changement de système de réservation SNCF Voyageurs qui impacte l'ensemble des offres vendues par les entreprises ferroviaires étrangères", se justifie le groupe. "Cette offre Nightjet reste disponible à la vente auprès du site nightjet.com/fr et du site DB, et SNCF Voyageurs communique régulièrement en ce sens". La compagnie ÖBB, pionnière dans les trains de nuit, a précisé qu'elle maintenait la liaison Vienne-Bruxelles et continuerait d'investir avec "davantage de capacité et de confort sur les lignes existantes".
"Cette situation est transitoire et un nouveau système de réservation permettra de proposer à nouveau progressivement à partir de 2026 les trains vendus par des entreprises ferroviaires étrangères, avec des offres et gammes tarifaires étendues", assure SNCF Voyageurs.
Toujours est-il que ces deux lignes, qui devaient concrétiser la renaissance des liaisons nocturnes transfrontalières et répondre à un vrai appétit pour ce type de liaisons n'existeront plus après seulement quelques années de service.
"Au final, les trains de nuit internationaux sont en 2025 dans la même situation que les trains de nuit nationaux en 2015: la SNCF dégrade le service et encourage ainsi l’État à s’en débarrasser, sur fond d’un cadre réglementaire mal adapté. Ce n’est pas acceptable que les deux seuls trains de nuit internationaux qui desservent la France à l’année disparaissent", se désole ainsi le collectif.
Les habitués de la ligne de nuit Paris-Berlin pourront toujours rejoindre la capitale allemande depuis Paris en 8 heures grâce à une ligne à grande vitesse inaugurée fin 2024.