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Plus de 150 millions d'euros cumulés depuis 2021: pourquoi Trenitalia creuse encore ses pertes en France

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La compagnie ferroviaire qui exploite désormais deux lignes en France cumule plus de 150 millions d'euros de pertes depuis son lancement en 2021.

Atteindre la rentabilité dans le ferroviaire est un défi et Trenitalia continue à en faire la douloureuse expérience en France. Alors que l'opérateur, filiale de la compagnie ferroviaire nationale italienne, est présent dans l'hexagone sur une des lignes les plus rentables du réseau (Paris-Lyon) depuis 2021, il continue à accumuler de lourdes pertes. Selon l'AFP qui confirme une information de L'Informé, la compagnie a perdu 68 millions d'euros en 2024, après déjà une perte nette de 50 millions d'euros en 2023 et cumule plus de 150 millions d'euros perdus depuis fin 2021.

Plus inquiétant, son chiffre d'affaires a reculé l'an passé, tombant à 39 millions d'euros contre 46 millions en 2023 et 40 millions en 2022. Il faut dire que Trenitalia France a particulièrement souffert de l'interruption de ses liaisons ferroviaires vers Milan à partir d'août 2023 et jusqu'à fin mars cette année, à cause d'un éboulement en vallée de Maurienne, près de la frontière franco-italienne.

L'équilibre sera atteint "dans les prochaines années"

Le groupe indique d'ailleurs avoir contracté un prêt de 40 millions d'euros auprès de sa holding "afin de faire face aux difficultés rencontrées" en 2024. Mais ce n'est pas la seule raison. En début d'année, Mario Caposcuitti, président France de Trenitalia, rappelait que la compagnie avait dû consentir à des investissements importants pour se lancer et exploiter la ligne. Et prévenait déjà qu'il espérait atteindre l'équilibre "dans les prochaines années".

Au centre de ces investissements, le coût des péages payés à SNCF Réseau, parmi les plus onéreux d'Europe, notamment sur les lignes les plus rentables. D'après ses comptes, Trenitalia a dépensé 50 millions d'euros pour ces péages. Pour Paris-Lyon, le péage "est par exemple quatre fois plus cher que le niveau des péages ferroviaires italiens ou allemands", se désole l'opérateur.

Dans sa contribution à Ambition France Transports, Trenitalia rappelle qu'"en quatre ans d'activité sur le territoire français (2022-2025), et avec un nombre de circulations limitées, Trenitalia France évalue le montant réglé sur cette période, au titre des péages ferroviaires, à une somme totale de près de 200 millions d'euros. Il s'agit évidemment d'un montant considérable pour tout nouvel acteur confronté par ailleurs à des investissements structurels majeurs nécessaires à son développement (matériel roulant, personnel…)".

On peut également évoquer le choix de Trenitalia d'utiliser des trains à grande vitesse à un seul niveau qui embarquent moins de passagers que la SNCF qui généralise les TGV à deux niveaux. Mais pour l'opérateur, ce choix se justifie par un confort jugé supérieur et des temps d'arrêt moins longs en gare.

Un accroissement de l'offre à grands frais

Pour espérer atteindre la rentabilité, Trenitalia mise sur "l'accroissement de l'offre" en couplant des rames, en renforçant ses liaisons vers Lyon mais aussi en lançant une offre vers Marseille (depuis le mois de juin dernier). Mais pour se faire une place face à l'ogre SNCF Voyageurs (26 trajets par jour), Trenitalia se doit d'être très agressif, ce qui semble assez logique dans une période de conquête de clients et surtout de notoriété (qui lui fait encore défaut).

Pour y parvenir, la compagnie joue sur ses marges. Elle ne s'en cache pas: elles sont clairement sacrifiées pour le moment, ce qui génère des pertes financières. Et avec son ticket d'entrée à 27 euros, Trenitalia le reconnaît: cette offre n'est pas rentable. D'autant plus que la SNCF n'entend pas se laisser faire.

Bref, cet "accroissement de l'offre" coûte cher, même si Trenitalia a obtenu un rabais substantiel sur les péages payés pour cette nouvelle ligne. Mais ça ne durera pas. Et de manière globale, SNCF Réseau va encore augmenter le prix de ses péages. Autant dire que la rentabilité n'est pas pour demain. De quoi finir par inquiéter sa maison mère, la très puissante FS. Et ces difficultés pour la filiale d'un grand opérateur historique européen risquent également d'inquiéter les nouveaux venus qui veulent attaquer le marché français...

Olivier Chicheportiche avec AFP