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Elle a déjà versé 200 millions d'euros en 4 ans: Trenitalia refuse de contribuer davantage aux investissements dans le rail français

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L'opérateur italien indique dans un document avoir déjà versé 200 millions d'euros en quatre ans en péages et estime que leur niveau élevé freine la concurrence (et donc les rentrées d'argent pour le réseau).

Comment faire face aux besoins colossaux du réseau ferré français vieillissant après des années de sous-investissements chroniques, en dehors du TGV? C'est l'objet d'"Ambition France Transports", une série d'ateliers visant à reposer les bases d'un système de financement durable, robuste et pérenne des transports publics jusqu'en 2040, mais sans grever davantage les finances de l'Etat.

"Il faudra mettre 1,5 milliard d'euros supplémentaires par an dans l'entretien du réseau à partir de 2027", souligne Jean-Pierre Farandou, patron de la SNCF. Ces nouvelles ressources doivent être "identifiées et sécurisées" d’ici la mi-2025, souligne le groupe qui va encore ajouter 500 millions, reste donc à trouver un milliard par an.

Plusieurs pistes sont évoquées lors de ces ateliers comme une contribution des modes de transports polluants, mais l'une d'entre elles suscite le rejet des opérateurs: l'augmentation des péages ferroviaires.

"Montant considérable"... mais des rabais

SNCF Réseau en charge du maintien du réseau bénéficie de plusieurs sources de financement: l'Etat et l'Europe, la quasi-totalité des bénéfices de SNCF Voyageurs à travers un fonds de concours mais aussi les péages payés par les opérateurs qui empruntent les voies (dont SNCF Voyageurs).

Dans sa contribution à Ambition France Transports, Trenitalia rappelle que "le niveau des péages ferroviaires français sur le SLO (les TGV, NDLR) est très élevé, parmi les plus élevés d'Europe. Il est par exemple quatre fois plus cher que le niveau des péages ferroviaires italiens ou allemands".

Et de préciser: "en quatre ans d'activité sur le territoire français (2022-2025), et avec un nombre de circulations limitées, Trenitalia France évalue le montant réglé sur cette période, au titre des péages ferroviaires, à une somme totale de près de 200 millions d'euros. Il s'agit évidemment d'un montant considérable pour tout nouvel acteur confronté par ailleurs à des investissements structurels majeurs nécessaires à son développement (matériel roulant, personnel…)".

Pour Trenitalia, "le choix de maintenir un niveau élevé de péages ferroviaires constitue également un frein au développement de la concurrence sur le marché ferroviaire français. Ce niveau de tarification rend en effet l’accès au réseau français particulièrement coûteux et incertain sur le plan de la viabilité économique pour les nouveaux opérateurs ferroviaires".

Or, selon l'entreprise, plus il y a d'acteurs sur le marché, plus il y a de rentrées financières pour SNCF Réseau. Elle émet donc "le souhait que la piste d'une éventuelle baisse de ces prix puisse être explorée" pour attirer plus d'acteurs en France (même si les péages ne sont pas la seule barrière d'entrée pour un nouvel entrant).

Risque financier

Conclusion, "augmenter les contributions des opérateurs, sous quelque forme que ce soit, ferait peser un risque financier important sur les nouveaux entrants dont le modèle économique n'est pas encore stabilisé et dans un contexte où ils n'ont pas atteint leur rentabilité, avec pour possibles conséquences (...) une baisse globale des recettes pour le gestionnaire de l'infrastructure et les finances publiques. Cet enchainement de conséquences négatives doit être évité".

"Trenitalia France appelle à ce que la contribution des opérateurs ferroviaires, et donc indirectement des voyageurs, ne soit pas encore davantage augmentée lors des prochaines années, au risque de mettre en péril le développement-même des nouveaux opérateurs et le système ferroviaire dans son ensemble".

Cette analyse fait grincer des dents du côté des syndicats de la SNCF. D'abord parce que les nouveaux entrants dans le train à grande vitesse bénéficient de rabais temporaires sur les péages, des rabais qui peuvent être importants.

L’objectif: "aider le nouvel entrant à lancer son offre en compensant temporairement le désavantage qu’il subit face aux opérateurs déjà établis", explique SNCF Réseau. Mais c'est autant de rentrées en moins.

Distorsion de la concurrence?

Par ailleurs, les syndicats de la SNCF estiment que SNCF Voyageurs paye deux fois: à travers les péages pour lesquels il n'a pas de rabais, et à travers la contribution sur ses bénéfices (ce que ne font pas ses concurrents). Ce qui constituerait une distorsion de la concurrence.

Selon un document interne, la SA SNCF Voyageurs a reversé l'an passé à la SA SNCF pas moins de 2,75 milliards d'euros dont 1,71 milliard versés au fonds de concours.

Si le Groupe SNCF souhaite officiellement que les nouveaux acteurs participent davantage au financement du réseau et à l'aménagement du territoire, il plaide notamment pour qu'ils opèrent sur des axes peu ou pas rentables au même titre que les TGV, et payent donc de nouveaux péages associés.

Trenitalia dit remplir ce rôle: "non seulement les opérateurs ferroviaires tels que Trenitalia France, en raison de la nature même de leur activité, sont attachés à la couverture la plus complète du territoire où ils opèrent, notamment dans l’objectif de renforcer l’attractivité de l’offre ferroviaire, mais l’arrivée de nouveaux entrants sur le marché français peut au contraire contribuer à une meilleure desserte des territoires".

Une affirmation qui ne s'est pas vraiment vérifiée pour le moment.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business