Financement des transports publics: François Bayrou regrette l'assèchement de la manne des autoroutes

Des sous-investissements chroniques et des besoins colossaux. Tel est, en résumé, la situation des infrastructures des transports publics en France aujourd'hui. Malgré les annonces, comme l'enveloppe à 100 milliards d'euros pour le rail promise en février 2023 par Élisabeth Borne qui n'a jamais été suivie d'effets, la situation semble figée.
Or, financer les transports collectifs appelés à se développer massivement afin de décarboner les déplacements, mais aussi pour entretenir des infrastructures (routes, rail, ponts, gares, etc.) vieillissantes et dont la dégradation s'accélère avec le changement climatique, exige désormais des investissements massifs.
C'est l'objet de la conférence destinée à dégager des pistes de réflexion pour financer les transports et les infrastructures jusqu'en 2040, mais sans grever davantage les finances de l'Etat. Il s'agit donc, non pas de remettre en cause, mais de prioriser et en fonction de ces priorités de trouver des sources de financements sans que l'Etat mettre (trop) la main à la poche.
Les concessions autoroutières en ligne de mire
François Bayrou a ainsi lancé ce lundi "Ambition France Transports", une série d'ateliers visant à reposer les bases d'un système de financement "durable, robuste et pérenne des transports publics en s'inscrivant dans les contraintes budgétaires".
Ces ateliers réuniront chacun entre 10 et 15 participants (élus, professionnels, économistes). L'un portera sur le financement des transports du quotidien et en particulier les Serm (Services express régionaux métropolitains, les fameux RER métropolitains annoncés en 2023). Un atelier concernera la mobilité routière et notamment l'avenir des concessions autoroutières, un autre le ferroviaire et un dernier le fret.
Mais toutes ces thématiques sont en réalité liées. "L’idée n’est pas de passer en revue les grands projets, mais d’aborder la problématique dans son ensemble. L’idée n’est pas non plus de lancer de nouveaux projets quand nous ne savons pas comment financer ceux qui sont déjà lancés", souligne ainsi le gouvernement.
Ainsi, pour massifier les investissements stratégiques dans le réseau ferroviaire français qui a 29 ans de moyenne d'âge contre 17 ans en Allemagne (aujourd'hui financés en grande partie par les bénéfices de la SNCF), l'idée serait de mettre à contribution d'autres filières comme les autoroutes.
"L'État, je le crois, s'est volontairement privé d'une ressource qui était le véritable patrimoine des Français et qui aurait pu abonder de manière pérenne le secteur des transports pour trouver de nouveaux investissements, de nouveaux financements", a ainsi déclaré François Bayrou lors de la conférence sur l'ouverture d'"Ambition France Transports".
Dix semaines de réflexion
Le Premier ministre évoque la privatisation des autoroutes pour laquelle il s'est opposé. Or, les concessions exploitées par trois grands groupes (Vinci, Eiffage et l'Espagnol Abertis) arrivent à échéance entre 2031 et 2036. Elles génèrent environ 13 milliards d'euros de chiffre d'affaires par an.
Doit-on conserver le modèle des concessions? Passer à la gestion directe? Financer leur entretien par le péage ou bien par l'impôt? Et surtout, doit-on mettre la route à contribution pour financer le ferroviaire? Aucune piste ne sera écartée, assurent les organisateurs de la conférence.
"S'il y a une idée que j'exprimerai avec force, c'est qu'il faudra que les ressources dégagées par les autoroutes soient clairement fléchées vers le secteur des transports", déclarait le ministre chargé des Transports Philippe Tabarot mi-mars au Figaro. "L’arrivée à terme, entre 2031 et 2036, des contrats de concession liant l’État aux sociétés d’autoroutes marque à ce titre un tournant", ajoute-t-il.
"Nous avons devant nous dix semaines de réflexion et d’action pour donner à nos infrastructures les moyens dont elles ont besoin et résorber cette autre fracture française", souligne François Bayrou.
Outre les quatre ateliers thématiques, trois journées ciblées sur les attentes de la société civile, les nouveaux financements et l’innovation, "viendront éclairer et enrichir les travaux de la conférence".
Début juillet, "une réunion de convergence permettra de mettre en cohérence les conclusions des quatre ateliers. A la mi-juillet, un rapport général sera remis au Gouvernement, synthétisant les trajectoires associées aux différents scénarios dégagés par les quatre ateliers".
Le gouvernement promet "une nécessité d'action, une mise en oeuvre rapide, avec l'usager au centre des décisions", même si, comme l'a répété Amélie de Montchalin, ministre des Comptes publics, "nous ne ferons pas tout, tout de suite".