Pourquoi, malgré de très copieux bénéfices, la dette de SNCF Voyageurs a explosé de 740% en un an?

"Un cercle vertueux". Lors de sa présentation de ses résultats 2024, le Groupe SNCF se félicitait de boucler une quatrième année consécutive dans le vert avec un bénéfice de 1,6 milliard d'euros et 43 milliards d'euros de chiffre d'affaires.
"Le groupe SNCF a enclenché le cercle vertueux de la croissance rentable", commentait alors son PDG Jean-Pierre Farandou. Ces résultats sont évidemment portés par la bonne santé de SNCF Voyageurs, l'entité qui couvre les activités d'opérateur du groupe, à savoir les TGV et les Intercités.
Avec un engouement sans précédent pour le train, l'entité affiche un chiffre d'affaires en hausse annuelle de 6% à 20,2 milliards d'euros pour un EBITDA confortable de 2,45 milliards et un résultat net (après charges et impôts) de 765 millions.
Mais selon les comptes détaillés que nous nous sommes procurés, une ligne interroge: celle de la dette nette. Car malgré ces bons résultats, elle explose sur un an.
Un chiffre d'affaires de 20 milliards d'euros
Elle est en effet passée de 200 millions en 2023 à 1,683 milliard d'euros en 2024, soit une hausse assez incroyable de plus de 740%. Comment expliquer une telle flambée?
Rappelons que les bénéfices de SNCF Voyageurs sont intégralement réinjectés dans la holding afin de financer le fonds de concours destiné à SNCF Réseau pour financer la régénération indispensable du réseau hors TGV qui est à bout de souffle.
Selon le document interne, la SA SNCF Voyageurs a reversé à la SA SNCF pas moins de 2,75 milliards d'euros dont 1,71 milliard versés au fonds de concours. Bien plus que son résultat net donc.
Ces 2,75 milliards sont composés de 2,5 milliards de "distribution partielle de prime d'émission (assimilable à un versement de dividende) et 225 millions de versement de dividendes".
"L'impact du versement de dividendes est significatif, le rebond de l'endettement net est marquant", peut-on lire dans le document. "Pour financer la remontée de dividendes vers la SA SNCF, la SA SNCF Voyageurs a recouru à l'endettement en 2024". Au total, SNCF Voyageurs représente 80% des remontées de dividendes au sein du Groupe.
Un syndicat de la compagnie s'interroge, SNCF Voyageurs fait du cash, ses bénéfices sont totalement réinjectés dans le réseau, mais doit encore s'endetter pour financer le Groupe.
"La remontée de dividendes contribue à financer de façon prépondérante le fonds de concours, et à améliorer la structure financière de la SA SNCF", confirme d'ailleurs le document interne.
"Une dette qui correspond au niveau d'activité"
On peut alors se demander si cette alourdissement massif de la dette ne fragilise pas SNCF Voyageurs au moment où l'opérateur est de plus en attaqué par la concurrence comme Trenitalia? Ou si elle ne bride pas sa capacité à être compétitive.
Interrogée, la direction de la SNCF conteste ces risques et met en avant un jeu d'écriture comptable. "Quand les sociétés anonymes du groupe ont été créées en 2020, il fallait que chaque société ait un niveau d'endettement cohérent avec sa capacité de générer du cash. Or, en 2020 et 2021 c'est le confinement, Voyageurs est à l'arrêt, il n'y a pas de cash".
"Le Groupe a donc logé une dette faible qui correspond à cette non-activité", illustrée par le niveau très bas observé en décalé en 2023 (201 millions). Mais à partir de 2023 et en 2024, les TGV sont pleins, on repositionne donc la dette, c’est une forme de réduction du capital", poursuit-on.
Et de poursuivre: "ce qui compte, c'est le ratio dette sur EBITDA et il s'avère que, même en montant le niveau de la dette, le ration est bon". Il serait d'ailleurs meilleur que celui du Groupe qui est de 3,6 (3,6 années de marges pour rembourser la dette). "Le niveau d'endettement est donc cohérent avec la génération de cash de Voyageurs et avec son niveau d'activité", souligne le Groupe.
Dans son budget 2025, la compagnie prévoit d'ailleurs un repli de ce niveau de dette à 925 millions d'euros, tablant sur une croissance du résultat net part du groupe de 11% à 850 millions d'euros pour un EBITDA de 2,46 milliards.