Jusqu'en 2028 ou 2030, c'est la SNCF qui paiera: le gouvernement va aider la compagnie à rénover son réseau ferroviaire mais l'argent n'arrivera pas tout de suite

C'est l'un des plus importants combats de Jean-Pierre Farandou avant qu'il ne quitte la présidence de la SNCF: sécuriser dès aujourd'hui les crédits supplémentaires pour assurer le financement indispensable de la régénération du réseau ferré français à bout de souffle. Cette urgence a été répétée par Jean Castex, le futur PDG de la SNCF lors d'une audition au Sénat ce mercredi.
"La mère des batailles du rail, c'est l'état du réseau ferroviaire. Sans un réseau en bon état, impossible d'améliorer la ponctualité ou de développer l'offre", a-t-il martelé.
Ces crédits supplémentaires ont été évalués (depuis longtemps déjà) à 1,5 milliard d'euros par an (pour un total de 4,5 milliards). Jean Castex a confirmé que la SNCF est prête à porter un tiers de cet effort supplémentaire, soit 500 millions d'euros. Reste à trouver le milliard manquant auprès de l'État. A l'issue de la conférence sur le financement des transports qui a eu lieu cet été, 14 propositions ont été retenues par le ministre des Transports Philippe Tabarot pour affronter le mur d'investissements annoncé et servir à une future loi.
"S’agissant du réseau ferroviaire, le texte fixera dans la loi l’objectif de 1,5 milliard d'euros supplémentaire par an affecté au réseau à compter de 2028", se félicite-t-il.
Loi cadre
Bonne nouvelle, cette loi cadre a été confirmée ce mercredi par le Premier ministre Sébastien Lecornu lors de son discours de politique générale devant le Sénat. "Le ministre des Transports vous proposera une loi cadre qui permettra notamment de flécher les recettes des futures concessions autoroutières vers le développement de nouvelles mobilités et de nouvelles infrastructures, notamment ferroviaires. Cette loi devra avancer en miroir des travaux de décentralisation".
Mais quid de la période 2026-2028 alors que l'urgence est là. Le projet de loi de finances 2026 rendu public ce mardi n'est pas très généreux sur ce point, le gouvernement cherchant désespérément à faire des économies.
"En 2026, à la suite de la conférence Ambition France Transports, les moyens dédiés au financement des infrastructures de transport sont consolidés, avec une augmentation des crédits de +210 millions d'euros (+5%)", peut-on lire dans le chapitre consacré aux "moyens confortés pour les transports".
Des bénéfices ponctionnés, une concurrence faussée?
"Il n’y a pas de besoin de financement supplémentaire en 2026 par rapport à la trajectoire prévue", explique à BFM Business, le ministère des Transports. Pourtant, les besoins sont d'ores et déjà très importants, d'autant plus qu'il n'y aura quasiment rien de plus non plus en 2027. Selon nos informations, la SNCF devra donc amplifier ses efforts.
Traduction, les bénéfices de toutes les filiales du groupe, avec en premier lieu, ceux de SNCF Voyageurs (l'entité commerciale qui vend les billets) seront plus que jamais mis à contribution pour alimenter le fonds de concours qui vient alimenter SNCF Réseau en plus des péages. Cela tombe bien, le groupe a bouclé en 2024 une quatrième année bénéficiaire (1,6 milliard d'euros) et le début 2025 est prometteur avec 950 millions de bénéfices au premier semestre.
Une situation qui fait grincer des dents: au sein du Groupe, on regrette une capacité d'investissements en baisse et du côté des syndicats, on souligne que SNCF Voyageurs est doublement pénalisé: par les péages et par la ponction de ses juteux bénéfices alors que la concurrence ne paye que les péages (parfois avec des rabais), de quoi fausser la concurrence selon eux.
A partir de 2028, l'Etat mise notamment sur le renouvellement des concessions autoroutières avec "le fléchage de l'intégralité des recettes des futures nouvelles concessions autoroutières vers les infrastructures de transports, estimées à terme à 2,5 milliards d’euros par an". Un milliard par an serait utilisé pour boucler le budget de maintenance du réseau.
Trous dans la raquette
"Plusieurs sources de financements sont identifiées (financements privés, ressources fiscales, budgétaires et extrabudgétaires etc.). Le financement des infrastructures de transport, et notamment du réseau ferroviaire, fera l’objet d’un texte à part entière, une loi cadre, qui portera sur le fléchage des recettes des concessions autoroutières à partir de 2031", nous confirme le ministère des Transports.
Pour autant, ces concessions arrivent à échéance entre 2031 et 2036 et le plein effet de la mesure n'est pas attendu avant 2037. Donc, il y aura encore un trou dans la raquette entre 2028 et 2031 au minimum, qui inquiète grandement les spécialistes du secteur et la SNCF qui devra mettre au pot entre 2026 et 2028 voire 2030.
"Si aucun moyen supplémentaire n’est consacré à l’entretien des rails, du ballast et surtout des caténaires, ces fils en cuivre vieillissants qui permettent d’alimenter les locomotives en électricité, 2.000 trains risquent d’être impactés quotidiennement dès 2028 par des retards, des travaux inopinés, voire des fermetures ponctuelles", a prévenu la SNCF.
Autrement dit, ce sont 4.000 kilomètres de lignes qui sont menacées par "un effondrement de la qualité de service" et même 10.000 kilomètres dans les années qui suivront.