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Endetter la SNCF, mettre en place une écotaxe mais pas de taxe sur les billets de TGV: les pistes pour financer le rail du rapport Bussereau

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La conférence sur le financement des transports a débouché sur 14 propositions qui doivent permettre d'affronter le mur d'investissement annoncé et servir à une future loi.

La remise à niveau et la modernisation des infrastructures nationales ferroviaires, routières et fluviales nécessitent d'investir environ 3 milliards d'euros supplémentaires par an sur la période 2026-2031 dont au moins un milliard pour le rail pour éviter "un effondrement".

Telle est une des conclusions du rapport de l'ex-secrétaire d'État aux Transports Dominique Bussereau remis mercredi au ministre des Transports, Philippe Tabarot dans le cadre d'Ambition France Transports, la conférence sur le financement des infrastructures de transports.

Elle a débouché sur 14 propositions qui doivent permettre d'affronter le mur d'investissement annoncé et servir à une future loi.

La SNCF attend beaucoup de cette conférence et de ce rapport car les besoins sont urgents et massifs. Il s'agit de trouver un milliard d'euros par an supplémentaires pour maintenir en vie le réseau et surtout de prendre des décisions dès maintenant afin de pouvoir programmer les nécessaires travaux dès 2027.

Bonne nouvelle pour la compagnie, Philippe Tabarot a confirmé "le fléchage de l'intégralité des recettes des futurs nouvelles concessions autoroutiers vers les infrastructures de transports, estimées à terme à 2,5 milliards d’euros par an" et une "hausse des investissements pour la régénération du réseau ferroviaire".

"Cela constitue une avancée historique très attendue par l’ensemble des participants à la conférence", souligne le ministère des Transports.

"S’agissant du réseau ferroviaire, le texte fixera dans la loi l’objectif de 1,5 milliard d'euros supplémentaire par an affecté au réseau à compter de 2028", poursuit-il. De quoi rassurer la compagnie ferroviaire.

Une dette à la SNCF qui gonflerait à nouveau?

Autre bonne nouvelle, la création d'une taxe temporaire de 2% sur certains billets de train, comme les TGV, qui pourrait rapporter entre 150 et 300 millions d'euros par an, n'a "pas fait consensus" lors de la conférence, précise le rapporteur.

Par contre, la SNCF risque de grincer des dents face à cette piste: il est ainsi suggéré à la SNCF de recourir à l'emprunt pour financer une part des besoins d'investissement, "de manière ponctuelle et limitée pour ne pas dégrader les ratios d'endettement de l'entreprise", et de céder certains actifs, y compris immobiliers.

L'assainissement de la situation financière de la SNCF est l'une des fiertés de Jean-Pierre Farandou, son président. Le groupe affiche quatre exercices bénéficiaires consécutifs et une dette nette du groupe "maîtrisée" à 24,7 milliards d'euros en 2024, soit 3,6 fois l'Ebitda.

Il est fort probable que la compagnie ne s'attendait pas à ce type de proposition qui risque de fragiliser un équilibre encore fragile et menacé par la concurrence.

Néanmoins, le rapport propose d'autres pistes (qui ne visent pas seulement le rail), en attendant de récupérer une partie de la manne des concessions autoroutières qui n'arrivera pas avant 2030.

Le rapporteur conseille notamment de flécher davantage de ressources, comme une part plus large de la TICPE ou de la taxe de solidarité sur les billets d'avion, vers l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit), alors que celles-ci vont encore en majorité dans le budget de l'Etat.

Par ailleurs, la suppression progressive du taux réduit de taxe sur les carburants (TICPE) accordé aux transporteurs routiers permettrait de dégager environ 1,2 milliard d'euros par an à horizon 2030, précise le rapport.

Ecotaxe régionale pour faire payer les poids lourds

Il est également proposé de faciliter le retour de l'écotaxe régionale, qui fait payer les poids lourds étrangers empruntant certains réseaux routiers très fréquentés, une piste également évoquée par la SNCF.

Le rapport préconise également d'augmenter les taxes sur les voitures, comme la taxe régionale sur les certificats d'immatriculation, aujourd'hui plafonnée à 60 euros. Une majoration d'un montant de 10 euros par certificat génèrerait 380 millions d'euros.

Abaisser le seuil du malus sur les véhicules au poids de 1,5 à 1,4 tonne permettrait de faire rentrer 400 millions d'euros par an de recettes supplémentaires.

Le rapport propose également la création d'une taxe sur la livraison de colis à domicile en zone urbaine, qui serait assise sur le chiffre d'affaires des plus grandes entreprises de commerce en ligne et pourrait générer entre 50 et 200 millions d'euros.

Olivier Chicheportiche avec AFP