"Pas d'autre choix": pourquoi Michel Barnier a communiqué avec transparence sur son opération

Le Premier ministre Michel Barnier arrive à Matignon le 29 octobre 2024. - GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP
Une posture inédite pour un chef de gouvernement. Michel Barnier a été opéré le week-end dernier d'une "lésion cervicale", a-t-on appris dans un communiqué de presse diffusé par Matignon. La méthode, relativement nouvelle sur la scène française, a un goût d'opération transparence.
"Michel Barnier a dit dès le premier jour de son arrivée qu'il tiendrait un discours de vérité aux Français. C'est exactement ce qu'il fait", banalise un membre de l'entourage du chef du gouvernement auprès de BFMTV.com.
"L'opacité est désastreuse"
Le médecin du chef du gouvernement a précisé ainsi que l'opération "s'est très bien passée". "Des résultats d'analyse seront connus d'ici quelques semaines", avance encore le praticien.
Preuve que Michel Barnier, à la réputation plutôt secrète y compris avec sa propre coalition, n'a rien voulu cacher: Emmanuel Macron a été prévenu tout comme la présidente de l'Assemblée Yaël Braun-Pivet, le patron du Sénat Gérard Larcher, les ministres et les présidents de groupes parlementaires, soit une soixantaine de personnes.
"L'opacité est désastreuse. En communiquant, on sait exactement ce qui sort publiquement. Si vous ne dites rien, tout le monde cherche à savoir ce qu'il se passe", analyse Philippe Moreau-Chevrolet, spécialiste de communication politique.
"Pas d'autre choix que de communiquer"
Avec en tête un contre-exemple, celui de Kate Middleton. Après avoir annoncé une hospitalisation "pour une intervention chirurgicale programmée" en janvier dernier, la dignitaire britannique n'avait donné quasiment aucune nouvelle pendant trois mois.
De quoi alimenter de nombreuses rumeurs au Royaume-Uni avant que la princesse de Galles ne révèle finalement être atteinte d'un cancer.
"Plus vous communiquez, plus vous maîtrisez la façon dont une information circule et va être reçue. Quand vous faites de la politique, c'est capital", remarque encore l'historien spécialiste de la Ve République Christian Delporte.
Si le Premier ministre a repris le travail dès lundi et s'est affiché ce mardi matin dans la cour de Matignon, il ne sera pas présent ce mardi et ce mercredi aux questions d'actualité à l'Assemblée nationale et au Sénat. Une absence inhabituelle pour le chef du gouvernement, sauf déplacement à l'étranger.
"C'est sûr que s'il n'était pas venu, personne n'aurait compris. On aurait bien pensé qu'il y avait un problème. Il n'avait pas d'autre choix que de communiquer", reconnaît un député LR.
"Vous ne pouvez pas vous permettre de flancher"
La situation politique a également probablement joué dans la balance. À la tête d'une coalition gouvernementale hétéroclite et d'un socle à l'Assemblée nationale qui ne le soutient parfois que du bout des lèvres, le tout avec le spectre d'une motion de censure, le Premier ministre doit afficher des appuis solides.
"Quand tout repose sur vous, vous ne pouvez pas vous permettre de flancher. Vous cadrez votre problème de santé et ça donne l'impression que vous le maîtrisez", décrypte Christian Delporte.
Historiquement, les figures de l'État sont pourtant très discrètes sur leur état de santé. Atteint de maladies auto-immunes sans gravité, Édouard Philippe avait attendu son départ de Matignon pour évoquer publiquement son alopécie. Il avait cependant abordé son vitiligo lorsqu'il occupait ses fonctions de chef du gouvernement.
Discrétion habituelle à la tête de l'État
En 2009, Nicolas Sarkozy, alors président de la République, avait été victime d'un malaise vagal à l'issue d'un jogging. L'Élysée avait mis plusieurs heures à communiquer.
Jacques Chirac avait, lui, été victime d'un AVC en 2005 et hospitalisé au Val-de-Grâce à Paris, sans que l'Élysée ne communique formellement. La nouvelle avait été révélée par la presse.
Quant à François Mitterrand, son cancer de la prostate, détecté quelques mois à peine après son élection présidentielle, ne sera révélé que onze ans plus tard lors d'une hospitalisation.
"Ça humanise Michel Barnier"
"Quand vous faites de la politique, on vous demande d'incarner un côté surhumain. Évidemment que vous avez des problèmes mais vous ne le montrez pas. Ça humanise Michel Barnier de dire qu'il est comme tout le monde", analyse encore le communicant Philippe Moreau-Chevrolet.
"L'époque a changé. Aujourd'hui, avec les réseaux sociaux, l'actualité en continu, ce qui était possible il y a encore 10 ou 15 ans en terme de secret ne l'est plus. Le Premier ministre acte ce changement d'époque", décrypte un député LR.
Le chef du gouvernement reprendra ses activités publiques jeudi 31 octobre avec le Conseil des ministres.