Indépendance de la Cour de cassation: Cazeneuve interpellé sur un décret signé par Valls

Bertrand Louvel, le président de la Cour de cassation, et Jean-Claude Marin, le procureur général. - LIONEL BONAVENTURE / AFP
A peine nommé, Bernard Cazeneuve va devoir gérer un épineux dossier que Manuel Valls lui a laissé sur le bureau, en quittant Matignon. Un décret daté du 5 décembre, signé par l'ex Premier ministre et Jean-Jacques Urvoas, le garde des Sceaux, inquiète au plus haut point la Cour de cassation, la plus haute juridiction française.
Dans un courrier publié ce mercredi matin sur son compte Twitter, la cour interpelle Bernard Cazeneuve. Son premier président, Bertrand Louvel, et le procureur général, Jean-Claude Marin, demandent à être reçus par le Premier ministre. "Nous vous serions obligés de bien vouloir nous recevoir", écrivent les deux plus hauts magistrats de France. Leur inquiétude est palpable.
"La Cour de cassation, juridiction supérieure de l'autorité judiciaire, est placée sous le contrôle direct du gouvernement par l'intermédiaire de l'inspection des services du ministre de la justice", avec le nouveau décret, constatent les deux plus hauts magistrats de France. Ils demandent des "explications sur les raisons de ce décret".
Toutes les juridictions ne pouvaient jusque-là être contrôlées
Le décret en question a pour objet de réformer l'inspection générale des services judiciaires - renommée au passage inspection générale de la justice - soit le contrôle par l'exécutif des juridictions judiciaires. Alors que ce contrôle se limitait jusque-là aux juridictions "du premier et du second degré", cette précision est supprimée dans le nouveau décret, d'après l'article 22. Mais ce détail change tout ou presque.
Les juridictions des deux premiers degrés, soit les tribunaux de grande instance et les cours d'appel, étaient jusque-là les seules à être contrôlées. Désormais, toutes les juridictions peuvent l'être, y compris la plus haute, à savoir la Cour de cassation. D'après le décret, l'inspection générale de la justice peut se voir confier une mission d'inspection sur ordre du ministre de la Justice, du Premier ministre ou dans certains cas d'un autre ministre.
"Rupture avec la tradition républicaine"
Le changement instauré par le décret se fait, d'après les deux magistrats "en rupture avec la tradition républicaine observée jusque-là". En effet, la Cour de cassation se contrôle habituellement elle-même, et établit chaque année un rapport sur son fonctionnement. Elle peut aussi être auditée par la Cour des comptes.