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En campagne sans être candidat, à quoi joue Emmanuel Macron?

Emmanuel Macron lors de son premier meeting politique à la Mutualité, à Paris, le 12 juillet 2016.

Emmanuel Macron lors de son premier meeting politique à la Mutualité, à Paris, le 12 juillet 2016. - Patrick Kovarik - AFP

Pour le politologue Gérard Grunberg, le ministre de l'Economie joue un coup de poker en misant tout sur la non-candidature de François Hollande à la présidentielle.

Quatre mois après le lancement de son mouvement "En marche!", Emmanuel Macron a donné un coup d'accélérateur à son entreprise politique. Devant près de 2.000 personnes à la Mutualité mardi soir, le ministre de l'Economie a voulu incarner la figure du renouveau. Pendant ce premier meeting, l'ancien banquier a esquissé un plan: "écrire une nouvelle histoire" avec une offre politique innovante allant au-delà des clivages partisans. Ses stratégies sont celles du renouveau, de l'alternative, du "ni-ni" (ni de gauche ni de droite), mais aussi une autre plus surprenante, celle du sous-entendu et du demi-mot. 

"En campagne" sans avoir déclaré sa candidature, voix dissidente du gouvernement sans avoir pris la porte, Emmanuel Macron se dévoile tout en entretenant le flou sur ses intentions. Mais pourquoi? BFMTV.com a posé la question au politologue et spécialiste de la gauche Gérard Grunberg, qui a décrypté un coup de poker joué par le locataire de Bercy: 

"Il joue à quitte ou double. Il est toujours dans l'idée qu'il n'est pas possible pour lui de se présenter contre François Hollande mais en même temps il a envie d'y aller. Il développe donc une stratégie d'empêchement tout en restant au gouvernement. Il veut pousser François Hollande à ne pas se présenter".

Entre Hollande et Macron, "un intérêt commun"

Pour se faire, Emmanuel Macron a multiplié depuis des mois les pics à l'encontre de l'exécutif. Mardi soir, il a continué lors d'un meeting dont la simple date - deux jours avant la dernière intervention télévisée du chef de l'Etat le 14 juillet - était une provocation. Parlant d'un pays "usé des promesses non tenues", il a critiqué en creux la méthode hollandaise: "Quand on avance à couvert, on a du mal à convaincre…". Sans oublier de tacler Manuel Valls en fustigeant par exemple "la chasse au voile à l'école".

Faut-il en conclure qu'Emmanuel Macron souhaite quitter le gouvernement sans endosser la responsabilité du divorce et fait tout pour se faire évincer? Bien au contraire, estime Gérard Grunberg: 

"Sortir du gouvernement lui fait prendre le risque de devoir présenter sa candidature à la présidentielle en tout état de cause. Il a donc intérêt à rester au gouvernement tant que François Hollande n'a pas annoncé sa décision pour 2017. C'est d'ailleurs un intérêt commun qu'il a avec le chef de l'Etat. François Hollande peut mieux neutraliser Emmanuel Macron en le gardant."

"Une stratégie dangereuse"

Mais provoquer et rester est un jeu dangereux pour le locataire de Bercy: "Plus il reste au gouvernement, plus ce sera compliqué pour lui de se présenter contre François Hollande", explique Gérard Grunberg. Si le chef de l'Etat abandonne l'idée d'un second mandat ou échoue à la primaire de la gauche, Emmanuel Macron aura gagné son pari et pourra s'élancer sans problème sur la piste qu'il creuse depuis des mois.

Mais si l'élu corrézien est finalement dans la course à la présidentielle, Emmanuel Macron sera dans l'impasse.

"Soit il y ira quand même et il apparaîtra comme un traître, soit il retombera comme soufflé, analyse le politologue. Sa stratégie est dangereuse car il mise tout sur l'idée que François Hollande ne va pas se présenter."

Or, le récent comportement de François Hollande laisse plutôt penser qu'il souhaite rempiler. A moins que la perspective d'un fiasco électoral ne le retienne. Pour l'instant les enquêtes d'opinion sont sans appel: seuls 14% des Français veulent voir le chef de l'Etat candidat à sa réélection (sondage publié le 7 juillet), alors qu'ils sont 36% à souhaiter une candidature d'Emmanuel Macron (sondage publié le 12 juillet). Mais les sondages sont des repères volatiles et le temps encore long d'ici l'échéance.

Marion Garreau