François Hollande peut-il gracier Jacqueline Sauvage?
Un appel enfin entendu. Après des semaines de mobilisation pour réclamer la grâce présidentielle de Jacqueline Sauvage, l'Elysée pouvait difficilement faire la sourde oreille plus longtemps concernant ce dossier défendu par politiques, personnalités du monde de la culture, associations et anonymes. François Hollande a décidé de recevoir ce vendredi les filles et les avocates de cette femme condamnée le 3 décembre dernier.
Lors de ce procès en appel, Jacqueline Sauvage a écopé de 10 ans de réclusion criminelle pour avoir tué, en septembre 2012, de trois coups de fusil dans le dos son mari qu'il la battait et après avoir vécu 47 années d'enfer conjugal. Le 23 décembre, ses filles, Sylvie, Carole et Fabienne, elles-aussi victimes des sévices de leur père, déposaient une demande de grâce présidentielle.
"Monsieur le Président, notre mère a souffert tout au long de sa vie de couple, victime de l'emprise de notre père, homme violent, tyrannique, pervers et incestueux", ont-elles écrit dans leur lettre.
Un comité de soutien
Depuis, les soutiens se sont multipliés en faveur d'une libération de Jacqueline Sauvage. Il y a cette lettre signée par 50 parlementaires pour appuyer la demande de grâce. Cette pétition sur change.org, ouverte à tous, qui compte désormais plus de 388.000 soutiens. Ou cette manifestation samedi dernier qui a rassemblé environ 200 personnes place de la République à Paris.
Il y a aussi ce comité de soutien, dont fait partie la comédienne Eva Darlan. Ce dernier a reçu au fil des semaines le soutien de personnalités politiques comme la maire de Paris, Anne Hidalgo, Nathalie Kosciusko-Morizet, Valérie Boyer, François Fillon, Eric Ciotti, Valérie Debord, Jean-Luc Mélenchon, ou encore, entre autre, Daniel Cohn-Bendit. Et des personnalités du monde de la culture: la comédienne Annie Duperey, la chanteuse Véronique Sanson ou l'animatrice Daniela Lumbroso.
Et jeudi soir sur BFMTV, la ministre de la Culture, Fleur Pellerin expliquait qu'elle serait "soulagée si une certaine clémence pouvait être prononcée à son encontre".
Droit régalien
Mais Fleur Pellerin prévient: "Je sais qu'il (François Hollande, NDLR) n'est pas tellement favorable au principe du droit de grâce en théorie car il considère que ça a un côté un peu Ancien régime." Pendant la campagne de 2012, François Hollande avait pris ses distances avec ce principe, estimant qu'il rappelait "quand même une autre conception du pouvoir". Souhaitant rompre avec le fait du prince, le président de la République estime certainement respecter les décisions de justice en ne pratiquant que peu ce droit.
Et depuis son accession à l'Elysée, François Hollande n'a accordé qu'une seule fois une grâce présidentielle, héritage des droits régaliens des anciens rois. Il s'agissait de Philippe El Shennawy, le plus ancien prisonnier de France, libéré en 2014. Recours de la dernière chance, la grâce présidentielle permet la réduction, voire la suppression totale de la condamnation, mais pas la disparition du casier judiciaire de la peine.
Si le président de la République décidait d'accorder ce droit à Jacqueline Sauvage, il devrait s'appuyer sur l'article 17 de la Constitution française. "Le Président de la République a le droit de faire grâce", est-il inscrit. En 2008 est ajouté la mention "à titre individuel". Une fois formulé, le recours est transmis à la Direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) du ministère de la Justice. Après la fin de l'instruction, un projet de grâce est adressé au président de la République qui peut ou non y répondre favorablement. Et d'être contre-signé par le Premier ministre et le ministre de la Justice.