Écrans, organisation du territoire, défense, fin de vie... Les pistes de référendums envisagées par Macron

Emmanuel Macron le 30 avril 2025 à Aubagne (Bouches-du-Rhône) lors d'une cérémonie militaire commémorant la bataille de Camerone - Manon Cruz © 2019 AFP
"Trancher certains sujets déterminants". L'expression d'Emmanuel Macron lors de ses vœux du 31 décembre laissaient entendre l'organisation prochaine d'un ou de plusieurs référendums. Depuis, l'entourage du chef de l'État a régulièrement répété au service politique de BFMTV qu'une annonce pourrait être faite "avant la fin du printemps".
Le président de la République demandera-t-il aux Français de se rendre aux urnes à l'automne lors de son intervention à la télévision, ce mardi 13 mai au soir, sur TF1? Si oui, sur quels thèmes? Avec le risque d'un referendum "gadget"? Quelle stratégie après des promesses de consultations directes à foison depuis 2017, finalement jamais tenues?
• Des référendums, mais sur quoi?
Sous quelle forme ces futurs référendums pourraient-ils être organisés? Le chef de l'État semble tenté de donner rendez-vous aux Français "plutôt à l'automne", selon différents proches. Il pourrait alors s'agir pour eux de répondre à "oui" ou "non" à plusieurs questions, sur différents thèmes, sur un ou plusieurs bulletins. La stratégie de l'Élysée semble claire: "dépersonnaliser le vote pour éviter un vote pour ou contre Macron", indique un poids lourd du gouvernement.
Parmi les thèmes évoqués régulièrement et récemment: les finances publiques.
Il y a quelques jours, Français Bayrou annonçait publiquement vouloir un référendum sur un "plan d'ensemble" de redressement des finances publiques, en vue du budget potentiellement explosif de 2026. Une hypothèse qui semble avoir été rapidement balayée par Emmanuel Macron. Pour l'entourage de Gabriel Attal, "la rémunération du travail est un sujet vital, donc urgent".
Autre réflexion envisageable: l'organisation des collectivités territoriales. "On sent par exemple l'envie de supprimer un échelon territorial", avance un ministre.
Régulièrement évoquée par Emmanuel Macron lors de ses déplacements sur le terrain, la question de la régulation de l'usage des écrans chez les plus jeunes est aussi une piste, comme d'autres questions sociales liées aux enfants. Mais pour Marine Le Pen, si un référendum portait sur "le temps de travail scolaire", il s'agirait d'une "manœuvre", rappelant le "traumatisme de 2005", comme elle l'a déclaré ce mardi matin. Selon la présidente des députés Rassemblement national à l'Assemblée, il faut un "référendum sur l'immigration".
Même son de cloche du côté de l'actuel locataire de la place Beauvau, Bruno Retailleau. Toutefois, l'article 11 de la Constitution limite les référendums aux questions d'organisation du pouvoir, aux questions économiques, sociales ainsi qu'aux questions environnementales.
Une limitation qui ne permettrait pas au chef de l'État de soumettre la délicate question de la fin de vie au suffrage des Français. Pourtant, plusieurs proches du chef de l'État sous-entendent que cela n'est pas totalement exclu.
Selon un cadre macroniste, "le chef de l'État pourrait être tenté d'envisager une consultation des Français, d'une manière ou d'une autre, si les parlementaires n'arrivent pas à se mettre d’accord, et si le vote solennel du 27 mai à l’Assemblée tourne vite au pugilat". Pour rappel, en raison de la navette parlementaire, rien ne garantit que ce texte pourrait être voté avant la fin du quinquennat d'Emmanuel Macron.
Enfin, les questions relatives au budget de la défense, dans un contexte international incertain, ne sont pas à exclure. Lors d'une session de questions réponses avec les internautes le 20 février dernier, le président de la République était interrogé sur une possible hausse du budget de la défense française, à l'image de la Pologne y consacrant désormais 5% de son PIB (contre 2,1% pour la France).
"Ce n'est pas vrai qu'on peut tout faire. On va devoir faire des choix, c'est pour ça que j'aurai besoin de vous (…) Ça va nous imposer des choix très forts (…) J'aurai besoin de vous, de votre engagement", avait-il alors avancé.
Auprès service politique de BFMTV, l'entourage d'Emmanuel Macron a par ailleurs régulièrement répété à propos d'un référendum: "il y a plein de sujets à l'articulation entre l'international et le national, par exemple quand on pense à la notion d'indépendance".
• Le risque de référendums "gadget"?
"Le président prend un vrai risque en redescendant dans l'arène s'il propose un ou plusieurs référendums aux Français, alors qu'il retrouve quelques couleurs dans l'opinion. Est-ce vraiment stratégique?", s'inquiète un député du bloc central, alors que la côte de popularité du chef de l'État a repris quelques points depuis qu'il consacre presque l'intégralité de son agenda à la scène diplomatique.
"On attend Macron au tournant!", affirme un cadre de gauche qui soupçonne surtout le chef de l'État de vouloir profiter d'une séquence internationale où son action est jugée consensuelle pour revenir au centre du jeu. Un autre tempère: "je ne pense pas que ce soit de l'egotrip".
Mais "s'il s'agit de consulter les Français sur des référendums gadget avec des thèmes qui n'intéressent personne, ça va forcément lui revenir en pleine tête comme un boomerang. Et comptez sur nous pour dénoncer la ficelle!", affirme de son côté un membre du Rassemblement national.
Anticipant de potentielles critiques, un poids lourd du gouvernement confie à BFMTV: "il n’y a pas de sujets gadget! Qu'on consulte les Français, je trouve que ce n'est pas mal dans un pays fracturé". L'entourage du nouveau patron de Renaissance, Gabriel Attal, voit aussi dans le référendum un autre avantage en raison de l'éclatement de l'Assemblée nationale: "il doit venir trancher des questions que le Parlement n'arrive pas à trancher sur des sujets urgents".
• Le référendum, toujours évoqué mais jamais appliqué
Mais le chef de l'État annoncera-t-il vraiment la tenue d'un référendum en bon et due forme? Ou va-t-il imaginer une votation XXL sur le modèle suisse? S'oriente-t-on vers un simple "sondage géant" comme le critiquent déjà certains opposants? Le référendum demeure depuis 2017 un outil évoqué par Emmanuel Macron… Mais jamais utilisé jusqu'à présent.
Dès son discours devant le Congrès réuni à Versailles en juillet 2017, le nouveau président de la République affirmait vouloir améliorer la représentativité et indiquait: "si cela est nécessaire, je recourrai au vote de nos concitoyens par voie de référendum". Mais aucun n'a eu lieu pendant son premier quinquennat.
Certains macronistes historiques regrettent encore aujourd'hui que le chef de l’État n'y ait pas eu recours en réponse au mouvement des gilets jaunes en 2018: "il y avait pourtant une large palette de sujets pour se redonner collectivement de l'oxygène dans cette période trouble qui, par ailleurs, a marqué une véritable rupture dans son mandat et son lien avec les Français".
Comme une ritournelle, le sujet revient pendant la campagne pour sa réélection en 2022. Emmanuel Macron confiait alors à BFMTV ne pas "exclure" le référendum "pour quelque réforme que ce soit"… y compris la réforme des retraites. Mais une nouvelle fois, cet outil constitutionnel n'a pas été utilisé pour cela. Jusqu'à ce mardi soir? Réponse à suivre.