Référendum en Alsace: les raisons du "non"

Affiches électorales pour le référendum sur un Conseil unique d'Alsace - -
Un oui timide dans le Bas-Rhin, un non clair dans le Haut-Rhin… Les Alsaciens se sont majoritairement prononcés contre le projet de fusion des collectivités régionale et départementales en une seule collectivité territoriale d’Alsace.
Une surprise, car les sondages annonçaient il y a quelques semaines une victoire massive du oui. Les partisans du projet craignaient surtout l’abstention, car l’initiative devait recueillir les faveurs de plus de 25% des électeurs inscrits dans les deux départements.
Pourquoi le référendum a-t-il échoué? Revue de détails.
> Des politiques très divisés
Il était la principale figure de ce référendum: l’UMP Philippe Richert, président du Conseil régional d’Alsace, portait depuis plusieurs mois le projet de fusion, aux côtés des centristes de l’UDI et du Mouvement Démocrate, ainsi que d’Europe Ecologie. Sans convaincre une large majorité, Philippe Richert a surtout concentré les critiques.
En déplacement à Mulhouse, Jean-Luc Mélenchon avait dénoncé "le rêve fou de Philippe Richert d’être élu prince d’Alsace". Dans cette campagne électorale atypique, le Front de Gauche a pu compter sur une coalition inhabituelle: le Front National et de nombreux socialistes se sont également déclarés hostiles au projet.
> Des craintes régionales
Pour expliquer la victoire du non, les Dernières Nouvelles d’Alsace reviennent sur "la querelle de Colmar". Gilbert Meyer, le maire UMP de la ville n’a cessé de dire son hostilité son projet, craignant que sa commune et son département ne perdent de leur influence au profit de Strasbourg, actuel chef-lieu de la région.
"Le Haut-Rhin n’étant plus collectivité territoriale, qu’en est-il du maintien de la Préfecture à Colmar? Colmar, chef-lieu de département, risque ainsi de perdre son statut, avec la transformation de la Préfecture en Sous-Préfecture, rattachée à Strasbourg", écrivait-il, il y a encire quelques semaines sur son blog.
Manuel Valls avait été obligé de prendre position à l’Assemblée nationale, après la question d’un député. "L’existence de la préfecture de Colmar ne sera pas remise en cause par le résultat de la consultation", avait expliqué le ministre de l’Intérieur. Semble-t-il sans convaincre: dans le Haut-Rhin, 55,74% des votants ont rejeté le projet.
> Le poids de l'histoire
Au cours des derniers siècles, les Alsaciens ont changé à plusieurs reprises de nationalité, étant successivement Allemands ou Français selon les périodes. Un passé compliqué, sur lequel le Front National a capitalisé au cours de la campagne, comme le notait Rue89.
"Je veux l’Alsace française, je vote non", c’était le slogan choisi par le FN. "Cette collectivité unique d’Alsace c’est évidemment le début du détricotage de la France. C’est une forme d’éloignement de la nation", affirmait ainsi Marine Le Pen au cours de la campagne. Une façon d’en appeler au patriotisme des Alsaciens, marqués par les annexions successives.
> Le spectre de l'affaire Cahuzac
Enfin, le climat politique a très certainement pesé dans l'issue du scrutin, ainsi que sur la forte abstention. Le référendum intervenait dans un contexte de défiance, quelques jours seulement après les aveux de Jérôme Cahuzac.
"Ce résultat est aussi à mettre en relation avec le climat général, la crise, et l'affaire Cahuzac a indiscutablement eu un effet", a estimé hier le président du Conseil régional d’Alsace Philippe Richert. Il n’est pas le seul à le penser. "C'est incroyable le nombre de fois où on m'a parlé de l'affaire Cahuzac", a expliqué Guy-Dominique Kennel, président UMP du conseil général du Haut-Rhin.
Avec ce résultat, la perspective d’une collectivité unique en Alsace, évoquée dès les années 80, est à nouveau repoussée.
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