Municipales: après Voynet, guerre des gauches à Montreuil

Dominique Voynet ne briguera pas un second mandat de maire à Montreuil - -
Personne n’était préparé à ce que Dominique Voynet jette l’éponge dans sa ville de Montreuil, en Seine-Saint-Denis. A moins de six mois de l'échéance municipale, l'élue EELV défendait encore son bilan et se projetait dans l'avenir. Le camp écologiste concevait même un meeting de soutien avec la ministre Cécile Duflot en guest-star. Le partenaire socialiste n’osait bouger malgré les appels du pied répétés du député Razzi Hammadi, élu avec l’appui de Dominique Voynet en 2012.
Quid de l’opposition? L’UMP ne compte presque pas à Montreuil, une ville administrée pendant 24 ans par l'apparenté communiste Jean-Pierre Brard, mais les rivalités à gauche n'en sont que plus exacerbées. Ce dernier, battu en 2008 par l’ex-ministre de Lionel Jospin, va briguer un nouveau mandat l'année prochaine, Mouna Viprey, l’ancienne première adjointe de Dominique Voyent. A la tête du mouvement dissident du PS "Elire Montreuil", qui se montre particulièrement véhément, elle dénonce des violences physiques et verbales perpétrées en plein conseil municipal, depuis qu'elle l'a quitté près d'un un an après les dernières élections.
Un mandat délicat
La décision surprise de Dominique Voynet prend tout le monde de court, notamment d'un point de vue stratégique, chez ses soutiens écologistes qui espéraient conserver leur seule ville de plus de 100.000 habitants et qui tiennent un congrès interfédéral extraordinaire ce week-end.
"On avait prévu un soutien fort" à Dominique Voynet, reconnaît Daniel Durand à 20Minutes, regrettant avec elle "une violence digne des pires heures staliniennes". Une solution de repli, avec une tête de liste à notoriété équivalente, est désormais inenvisageable, aussi la retenue jusqu'ici de rigueur au PS pourrait-elle s'étioler.
Dominique Voynet "avait une légitimité [...] pour revendiquer la tête de liste sans condition", commente un cadre du PS sous couvert d'anonymat à l'AFP.
Ses adversaires aussi pourraient peiner à changer de cap, eux qui avaient axé leur campagne sur son rejet. "Elle est tellement autoritaire" a dit Jean-Pierre Brard à BFMTV. "C'est un échec personnel [...] Elle a incarné un pouvoir hyper personnel, souvent contre tous", surenchérit le Front de gauche Patrice Bessac
"J'ai voulu dire stop"
"Je ne me retrouve plus dans cette politique (...) J'ai voulu dire stop, halte au feu, c'est violent, insupportable", confie Dominique Voynet à Libération et dans un courrier rendu public sur son site personnel. "La politique, ce ne peut pas être une sorte de 'fight club' où le seul objectif, c'est de traîner l'adversaire dans la poussière", a-t-elle argumenté, regrettant un sexisme assumé, des coups bas permanents et des promesses électoralistes multiples.
Force est de constater que son mandat fut difficile. Sa gestion de la ville a été épinglée par la chambre régionale des comptes en juin dernier et une affaire révélée par Les Inrocks pointait les dérives sécuritaires et notamment l’existence d’un service officieux de police municipales, dirigé par le Directeur de la Tranquillité publique.
Parmi les habitants de Montreuil interrogés mardi matin par BFMTV, seul un habitant sur quatre prend la défense de la maire sortante, et reconnaît des avancées sur la question du logement. Les autres affirment qu'"on ne la regrettera pas".
La peur de perdre?
Finalement, alors que Le Monde évoquait dimanche dernier un sondage très mauvais pour elle et resté secret, Dominique Voynet a-t-elle eu peur de perdre? "Je sais qu'il n'aurait pas été facile d'être réélue dans une ville où la gauche est aussi divisée", admet l'intéressée. L’UDI Jean-Christophe Lagarde, élu également dans le 93, estime sur Twitter son score électoral de mars 2014 à 10%.
Jean-Pierre Brard, lui, clame qu’il s’agit d'"une anticipation du résultat de l'élection, de la reconnaissance de son échec. Les Montreuillois l'ont prise en grippe", a-t-il déclaré à l’AFP. Dans un communiqué, Razzy Hammadi s'est pour sa part borné à saluer "les efforts mobilisés par son équipe et elle-même".
La présence de Claude Bartolone
A Montreuil, les dissidences s’annoncent nombreuses et les oppositions violentes dans les semaines à venir. A moins que celui que Le Monde présente comme "le baron du 9-3", le président PS de l’Assemblée nationale Claude Bartolone, à qui le fameux sondage oublié aurait fait le plus grand plaisir, ne vienne s’immiscer dans la bataille. Et tire les marrons du feu. Proche de Mouna Viprey, soutien de Razzy Hammadi, l’ex-président du conseil général de Seine-Saint-Denis reste omniprésent dans toutes les questions qui touchent au département. "Son" département.
A 55 ans, Dominique Voynet, anesthésiste de profession, tentera de faire disparaître la douleur de "cette lourde décision" qui ouvre le champ des possibles. Mais à l'inverse de Lionel Jospin après sa défaite de 2002, elle n'a pas promis de se retirer de la vie politique.