Dati-Hidalgo : un fauteuil pour deux fortes têtes à Paris en 2014

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Les municipales n'auront lieu que dans 18 mois, mais la campagne pour la mairie de Paris s'est précipitée ces derniers jours. Au PS, avec Anne Hidalgo et à l'UMP, avec Rachida Dati, la bataille est déjà lancée entre ces deux fortes personnalités de la vie politique française. Quelles sont les chances de l'une et de l'autre, au regard de leurs parcours respectifs, de leur popularité, de leur expérience ?
Des origines modestes brandies en étendard
Toutes deux sont des "filles de France" (comme se décrit elle-même Rachida Dati) issues de la diversité. Anne Hidalgo a 53 ans, elle est née à Cadix en Andalousie. Elle a grandi à Lyon et parlait espagnol avec ses parents. Son père, projeté sur les routes en 1938 pour fuir le franquisme alors qu'il était enfant, est revenu en France en 1962, afin de donner un meilleur avenir à ses deux filles. Dans son livre Une femme dans l’arène (éd. du Rocher), l’intéressée les présente comme des "républicains convaincus qui ont fui le franquisme pour s’installer à La Duchère, banlieue populaire de Lyon".
Rachida Dati, 46 ans, est la fille d'un maçon marocain arrivé en France en 1963 et d'une mère algérienne (décédée en 2001). Elle est la deuxième fille d'une famille de onze enfants et a passé son enfance à Châlons-sur-Saône. Dans sa jeunesse, la future ministre de la Justice sous Nicolas Sarkozy a exercé de nombreux petits boulots (veilleuse de nuit, standardiste, femme de ménage, aide-soignante…) pour financer ses études.
Des origines modestes qu'elles ont toutes deux ont brandi pendant leur combat politique. Rachida Dati, maire du très huppé VIIe arrondissement, endosse volontiers ce rôle d'exemple de l'intégration réussie, d'un parcours "courageux, tenace et volontaire", comme le soulignait l'ancien ministre de la Jeunesse et des Solidarités actives, Marc-Philippe Daubresse, en février 2012, lors d'un meeting à Lille du président-candidat Nicolas Sarkozy. "Je vous ressemble" lançait-elle ainsi à la tribune avant d'être ovationnée par les militants.
Anne Hidalgo se fait quant à elle, comme ses parents et grands-parents qui ont fui Franco, la première défenderesse de la République. Ce, au risque de verser dans l'anachronisme le plus évident comme sur iTélé le 24 septembre dernier lors d'une interview accordée à Christophe Barbier : "Le FN est un parti qui a soutenu pendant la guerre la collaboration avec les nazis". Propos qu'elle maintenait dans Sud Ouest, le 2 octobre : "Je fais partie de ces gens qui se sont engagés comme beaucoup de ma génération parce qu'il y avait une montée du Front national et que je sais que la démocratie est un joyau." Le FN, créé en 1972, a pour sa part porté plainte.
Des vies privées aux antipodes
A côté de celle de sa rivale, la vie privée d'Anne Hidalgo semble un long fleuve tranquille. Elle est mariée au député PS Jean-Marc Germain et mère de trois enfants, dont deux sont issus d'une première union.
Rachida Dati a obtenu en 1995 l'annulation d'un premier mariage, conclu à la suite de pression de sa famille, avec un homme "avec lequel elle n'avait rien à partager". En 2009, elle a mis au monde une petite fille, Zohra. Elle n'a en revanche jamais voulu révéler l'identité du père de l'enfant. Mais le 2 octobre 2012, Le Point.fr a révélé que l'ancienne Garde des Sceaux aurait désigné Dominique Desseigne comme le père dans une procédure de reconnaissance de paternité devant un tribunal civil. Une information aussitôt démentie par l'intéressée.
Quel est leur parcours professionnel ?
Toutes deux ont fait des études supérieures. Rachida Dati est titulaire d'une maîtrise en sciences économiques et d'une autre de droit public. En 1999, elle est nommée magistrate après être entrée sur titre à l'ENM, deux ans auparavant. Pour l'anecdote, elle a travaillé avec Jacques Attali à la BERD.
Anne Hidalgo est titulaire d'un DEA de droit social et a exercé la profession d'inspectrice du travail et a travaillé au Bureau international du travail à Genève.
De quelle expérience politique peuvent-elles se prévaloir ?
De son adhésion au Parti socialiste en 1994 et jusqu'à son accession au poste de première adjointe de Bertrand Delanoë en 2001, Anne Hidalgo a été conseillère de Martine Aubry et de Marylise Lebranchu. En 2001 pourtant, elle échoue aux municipales face à Edouard Balladur dans le XVe arrondissement de Paris, puis encore, aux législatives en 2002, toujours contre l'ancien Premier ministre. En 2008, elle croit sa revanche arrivée : sortie en tête au premier tour des municipales du XVe arrondissement de Paris, elle perd finalement au second tour alors que les listes de Philippe Goujon (UMP) et de Gérard D'Aboville (divers droite) fusionnent. En 2010, la liste qu'elle conduit à Paris remporte les régionales avec 57,9% des voix.
On le voit, Anne Hidalgo est très au fait des affaires parisiennes, et ce depuis plus d'une dizaine d'années. D'abord au "bureau des temps" puis à l'urbanisme et l'architecture, elle connaît tous les rouages de la maison.
Rachida Dati a été une première fois, conseillère de Nicolas Sarkozy en 2002, quand ce dernier était ministre de l'Intérieur, puis en 2004, alors que l'ex-président de la République était à l'Economie. Elle adhère à l'UMP en 2006. Un an plus tard, elle est propulsée porte-parole du candidat Nicolas Sarkozy (au côté de Xavier Betrand). Après la victoire de ce dernier, elle est nommée Garde des Sceaux. Elle est actuellement députée européenne de la circonscription Île-de-France et maire du VIIe arrondissement.
Rachida Dati peut se prévaloir d'une expérience ministérielle dont ne dispose pas son éventuelle rivale.
Comment se positionnent-elles pour 2014 ?
Anne Hidalgo est la candidate désignée du maire actuel, Bertand Delanoë. C'est aussi là son plus gros problème, se démarquer de celui dont elle a été pendant des années l'adjointe. Elle se défendait d'ailleurs dans L'Express le 5 septembre dernier, d'être "la dauphine" du maire actuel. Elle a lancé officiellement sa campagne lundi en présentant déjà un programme, une équipe et une méthode : "Nous avons fait la première campagne participative avec Bertrand Delanoë en 2001 (...) Nous franchissons un cap supplémentaire dans l'organisation, la méthode, le temps que nous prenons".
Pour Rachida Dati, les choses sont plus compliquées. Elle s'est opposée très violemment à François Fillon ces dernières mois lorsque celui-ci a dévoilé son ambition parisienne, n'hésitant par à stigmatiser le "manque de courage" de l'ancien Premier ministre. Puis leur rivalité a été relancée à l'ocasion d'une interview dans le JDD publiée dimanche. Rachida Dati se déclare sans détour favorable à des "primaires ouvertes à droite", autrement dit accessibles à tous les Parisiens et pas aux seuls encartés UMP. Car si François Fillon, nouveau député de Paris, a récemment jugé "pas d'actualité" la question de sa candidature à Paris, le député Pierre Lellouche et la sénatrice Chantal Jouanno pourraient, eux, se déclarer.