Législatives: l'abstention, annoncée comme historique, grande arbitre du scrutin?
À moins d'une semaine du premier tour des législatives, le pronostic se fait de plus en plus pessimiste. Après la relative embellie de la présidentielle, le premier acte du scrutin risque d'enregistrer un nouveau record d'abstention qui pourrait favoriser la majorité macroniste.
Selon la dernière enquête d'Ipsos Sopra-Steria pour le Cevipof, la Fondation Jean Jaurès et Le Monde publiée mercredi, l'abstention pourrait atteindre dimanche entre 52% et 56%, avec un point moyen à 54%, très au-delà des 51,3% du 11 juin 2017, précédent record pour un premier tour de législatives.
Une estimation convergente avec celle des autres instituts de sondage et qui confirme que, malgré les appels aux urnes des politiques, cette élection peine à intéresser les Français. Selon l'étude d'Ipsos, cet intérêt a même baissé de quatre points en trois semaines (70% contre 74%).
Explications multiples
Des chiffres qui auraient plusieurs explications. Auprès de BFMTV, Bernard Sananès, président de l'institut de sondage Elabe, confirme que "cette campagne ne passionne pas les Français" puisque "selon un sondage récent 4 personnes sur 10 qui disaient suivre cette campagne et 1 sur 2 qui déclaraient s’intéresser vraiment aux législatives."
Selon lui, ce désamour peut s'expliquer plusieurs points: "la désaffection pour la politique que l’on enregistre maintenant à tous les scrutins", la date du scrutin, "les législatives suivent les présidentielles, les électeurs ont le sentiment que tout est joué", mais aussi "le fait que dans les grandes circonscriptions, on ne connaît pas son député."
Interrogé par l'AFP, Vincent Tiberj professeur de Sciences Po Bordeaux regrette quant à lui un défaut de "mobilisation par le haut" de la part des partis, à l'exception de ceux de la Nupes, et des médias. "On est dans quelque chose d'assez étonnant, cette campagne chloroforme, cette campagne de basse intensité qui ne peut produire à la fin qu'une faible participation", indique-t-il.
Ce dernier y voit également le renforcement d'une tendance de long terme, avec le développement d'un "vote intermittent" chez les moins de 50 ans et la dévalorisation des élections intermédiaires, de "second ordre", parmi lesquelles il faut désormais ranger les législatives, malgré leur importance institutionnelle.
"Depuis l'inversion du calendrier, les législatives, dès lors qu'elles suivent les présidentielles, mobilisent de moins en moins", relève-t-il. "L'enjeu très personnalisé de l'élection présidentielle parvient encore à susciter l'intérêt des Français, mais il aspire tout l'enjeu des autres types de scrutins, même celui - essentiel - qui consiste à élire les députés à l'Assemblée nationale", abonde le sondeur (Ipsos) Mathieu Gallard rappelant le rebond de la dernière présidentielle (26,3% d'abstention) après la bérézina des régionales de 2021 (66,72%).
Face à cet état de fait, les responsables politiques tentent de mobiliser les électeurs. Sur notre antenne ce mercredi après-midi, Ian Brossat, porte-parole du Parti communiste français et soutien de la Nupes, assure que la mobilisation "est la question-clé."
"Ce que je dis aux électrices et électeurs qui ont envie que ça change, c’est que c’est possible avec le bulletin de la Nupes. Les forces de gauche se sont rassemblées et ça peut changer tout de suite si nous avons une majorité à l’Assemblée nationale. La victoire est à portée de main pour peu qu’on vote, qu’on se mobilise, et je suis convaincu que c’est possible de gagner", insiste-t-il.
De son côté, toujours à notre antenne, la pote-parole du Mouvement démocrate et ancienne secrétaire d'État chargée de la Jeunesse et de l'Engagement Sarah El Haïry, estime également que la mobilisation est "absolument essentielle". "L‘abstention, c’est laisser les autres décider pour soi. La démocratie est une chose fragile, qui est précieuse. Aujourd’hui ce sont deux modèles de société s’opposent, absolument opposés", décrit-elle.
Pour Vincent Tiberj, la situation actuelle devrait toutefois bel et bien favoriser la majorité présidentielle, qui l'emporterait, mais qui se retrouverait en partie paralysée. "La majorité macroniste est clairement dans une logique, une stratégie de victoire tactique et pas de victoire politique, et même s'il y a plus de chance qu'il y ait une majorité LaREM à l'Assemblée, ça veut dire que derrière la capacité à gouverner face à des mouvements sociaux, face à des citoyens qui râlent va être encore plus compliquée."