Étudiante à Sciences Po, Nathalie Loiseau a figuré sur la liste d'un syndicat d'extrême droite

"J'aurais sans doute dû regarder de plus près de quoi il s'agissait", reconnaît aujourd'hui Nathalie Loiseau. Dimanche, le site d'investigation Mediapart a révélé que l'ex-ministre, tête de liste macroniste aux élections européennes, a côtoyé malgré elle avec l'extrême droite étudiante durant ses années à Sciences Po Paris.
En janvier 1984, lors d'élections de délégués au sein du conseil de direction et à la commission paritaire de l'établissement, Nathalie Ducoulombier (son nom de jeune fille) a figuré au sein d'une liste de l'UED (Union des étudiants de droite). Comme le rappelle Mediapart, ce syndicat a pris le relais du sulfureux Groupe union défense (GUD), célèbre pour ses affrontements violents avec les étudiants d'extrême gauche dans les années 70.
Syndicat ouvertement nationaliste
Créée en 1978, trois ans avant l'élection de François Mitterrand à la présidence de la République, l'UED affichait fièrement ses racines droitières, s'opposant "fermement à toutes les propositions qui, sous couvert de 'démocratisation', visent à instaurer la démagogie et le terrorisme marxiste".
Elle compte à l'époque dans ses rangs des personnes issues non seulement du GUD, mais aussi du GAJ (Groupe action jeunesse) et du GRECE (Groupement de recherche et d’études pour la civilisation européenne), ce think-tank d'obédience nationaliste cofondé par Alain de Benoist.
"Je ne les ai pas fréquentés"
Contactée par Mediapart, la tête de liste de La République en marche assure ne pas s'être intéressée "à cette liste" et ne pas avoir "milité, tracté" ou "fait campagne" en son nom.
"Si ceux qui étaient sur la liste avaient un agenda extrémiste, je ne les ai pas fréquentés, je ne l’ai pas perçu, et si c’est le cas c’est une erreur. Si j’avais identifié des membres du GUD sur cette liste, évidemment que je n’aurais pas accepté d’y figurer. Je regrette d’avoir été associée à ces gens-là", poursuit Nathalie Loiseau.
Aux élections de janvier 1984, les listes UED pour le conseil de direction et la commission paritaire de Sciences Po Paris obtiennent respectivement 15,9% et 15,7% des suffrages selon Mediapart. Seules les têtes de liste sont élues - Nathalie Loiseau figurait à la 6e place de la liste "commission paritaire".
"Une vraie connerie"
Sur Facebook, l'ancienne juppéiste a vivement réagi à la polémique, taclant directement le patron de Mediapart en se référant à son passé trotskiste. "Avoir été gaulliste à 20 ans plutôt que maoïste, soutien du terrorisme palestinien et des khmers rouges, c'est insupportable à Edwy Plenel", écrit-elle, dénonçant un "joli climat d'inquisition".
Nathalie Loiseau affirme par ailleurs qu'en 1984, Sciences Po Paris "était l'endroit le plus calme, le plus bourgeois, le plus ennuyeux de France". Et de réfuter l'idée selon laquelle "la politique des extrêmes" ait pu y faire "son nid". "Ce n'est pas bien connaître ce temple de la modération qu'il était à l'époque", ajoute-t-elle.
Interrogée par franceinfo, l'intéressée a toutefois admis qu'elle aurait "dû regarder qui étaient les autres colistiers".
"Avoir figuré sur une liste où il y avait des gens d'extrême droite, c'est une vraie connerie", reconnaît Nathalie Loiseau, qui trouve "blessant" d'être assimilée à l'extrême droite.
Cas multiples
Ces affinités politiques antérieures, d'apparence douteuse, tranchent avec la posture résolument anti-nationaliste qu'adopte aujourd'hui l'intéressée. Nathalie Loiseau n'est pas la seule, toutefois, à avoir grenouillé dans les marges de l'extrême droite étudiante. Avant de devenir cadre au RPR ou à l'UDF, puis plus tard à l'UMP, des personnalités telles qu'Alain Madelin, Patrick Devedjian ou Gérard Longuet ont milité activement au sein du mouvement Occident à la fin des années 60.
Plus lointain, l'exemple de François Mitterrand apparaît encore plus pétris de contrastes. En 1942, il a œuvré pour le régime de Vichy, au point d'être décoré de la francisque par le Maréchal Pétain. Une période trouble, où le gris est la couleur dominante et durant laquelle le futur président socialiste a basculé petit à petit dans la Résistance.
Enfin, s'agissant du cas d'Edwy Plenel, ses convictions d'extrême gauche ont été largement documentées dans une enquête écrite par Laurent Huberson et publiée en 2008. Notamment son soutien "inconditionnel" à l'organisation palestinienne Septembre Noir, responsable de la mort de onze membres de l'équipe olympique israélienne aux JO de Munich en 1972. Interrogé par CheckNews en 2018 sur ses écrits dans la revue trotskiste Rouge, sous le pseudonyme Joseph Krasny, Edwy Plenel avait répondu la chose suivante:
"Ce texte, écrit il y a plus de 45 ans, dans un contexte tout autre et alors que j’avais 20 ans, exprime une position que je récuse fermement aujourd’hui."