EDITO - Tapie contre les élites

Jean-François Achilli, Directeur de la Rédaction de RMC et éditorialiste RMC/BFMTV. - -
"Il n’y avait qu’une seule version sur la place publique, maintenant il y en a deux. Même si David Pujadas l’a poussé dans ses retranchements, Bernard Tapie a pu enfin donner la sienne", commentait lundi soir l’un de ses proches.
Ceux qui attendaient de connaitre la vérité sur l’arbitrage avec le Crédit Lyonnais ont dû rester sur leur faim: il y a une enquête judiciaire en cours, ce qui limite l’exercice en matière de révélations.
Bernard Tapie se devait d'abord de ménager les juges
Ces juges qui l’ont cuisiné pendant ses 96 heures de garde-à-vue, qu’il a d’entrée de jeu qualifiés de "très corrects", histoire de ne pas insulter l’avenir. "C’était difficile à vivre mais moins que les cinq semaines que les médias m’ont fait vivre auparavant. Je n’avais jamais vu un tel acharnement", a-t-il martelé. Les journalistes, à ses yeux, seraient donc pires que les magistrats.
Pour ce qui est du fond de l'affaire, c'était à peu près inaudible
Difficile de faire le tri sans une connaissance millimétrique du dossier. Bernard Tapie a manié l’art de l’esquive: c’était sa parole contre celle de la presse.
"Vous lisez les journaux", n’a cessé de répéter l’homme d’affaires pour tenter de démonter les questions de Davis Pujadas.
Pierre Estoup, l’un des trois arbitres? Il ne le connaissait pas il y a quinze ans. Nicolas Sarkozy? Il a donné son aval, il n’est pas pour autant à l’origine de l’arbitrage. Et c’est donc l’ancien chef de l’Etat qui serait visé au travers d’"un complot". Nous sommes restés sur notre faim, il faudra faire avec.
Bernard Tapie s'est adressé à la France d'en bas
Ce moment résume tout: quand il lance "vous vous foutez de ma gueule", à David Pujadas qui lui demande s’il se sent persécuté.
Bernard Tapie a opposé deux France: celle qui a le droit, à laquelle appartiendraient les médias, les élites. Et celle qui n’a pas le droit de faire fortune comme lui, dans laquelle il se range. Cette majorité silencieuse qui a fait le succès de Nicolas Sarkozy en 2007, et à laquelle veut s’adresser aujourd’hui Marine le Pen, par-delà les idéologies.
Celui qui fut le populaire ministre de la Ville de François Mitterrand, a marqué un point, en se posant, comme il l’a toujours fait, en porte-voix de cette France des sans-grades contre le "système" qui s’acharnerait contre lui. Il l’a fait avec un indéniable talent. Ça cartonne auprès de l’opinion, c’est beaucoup plus difficile avec les juges.