EDITO - Tapie: chapeau l’artiste!

L'homme d'affaires Bernard Tapie, mis en examen pour "escroquerie en bande organisée", a affirmé lundi soir à France 2 que l'enquête sur la sentence arbitrale dont il a bénéficié à propos de la vente d'Adidas était "un complot" le visant.

Je dis "chapeau l’artiste" ! La question n’est pas de savoir si Bernard Tapie ment ou s’il dit la vérité, personne n’en sait rien. Mais sa prestation sur le plateau de David Pujadas a été un incroyable moment de télévision. David Pujadas n’a rien lâché, Tapie non plus.

Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’à 70 ans, l’homme d’affaires n’a pas perdu son sens du spectacle et de la communication. Il était indigné, il était pugnace, il était agressif. Mais une agressivité théâtralisée. Dix fois, quinze fois, il a attaqué David Pujadas: "arrêtez de reprendre les conneries qu’il y a dans les journaux." Il est même allé jusqu’à pointer un doigt accusateur sur le journaliste en lui disant: "J’ai vu le dossier, je l’ai vu, pas vous!"

Tapie a bombardé Pujadas de verbes à l’impératif: "Arrêtez de raconter ce que vous ne savez pas". "Arrêtez un peu, vous dites n’importe quoi". "Arrêtez de lire les journaux. Si vous m’invitez pour lire les journaux, je vous laisse tout seul avec vos journaux." C’était physique, c’était viril. A la fin on n’en savait pas plus - presque moins, même… - sur la vérité de cette affaire, mais on sait une chose: Tapie est un des plus grands communicants de notre époque.

Un des plus grands communicants de notre époque

Les avocats de Tapie disent que c’est lui qui leur donne des leçons. Des leçons de communication. Il a toutes les audaces. Regardez ce qu’il a fait lundi soir quand un reportage a présenté son patrimoine d’homme richissime. C’est le seul moment où il a souri. Il a dit à David Pujadas: "Ça vous emmerde que j’ai réussi et ça me fait un plaisir incroyable."

Il ne s’est pas excusé d’avoir de l’argent, comme ils le font tous ces temps-ci non, lui, il s’est au contraire emporté contre ceux qui ont la haine des riches. Et il a invité les jeunes à vouloir réussir comme lui. Une posture audacieuse, par les temps qui courent. Tapie assume.

On était au spectacle

Lundi soir, David Pujadas ne s’est pas laissé faire, pas une seconde, c’est pour ça que c’était un formidable spectacle. Parce que le journaliste avait du répondant. Et il fallait être sacrément chevronné, pour résister aux assauts de cette bête de scène qu’est Tapie. Le clou du spectacle, c’est quand Pujadas lui demande pourquoi il se sent persécuté.

Réponse de Tapie: "Vous vous foutez de ma gueule?" Il le dit trois fois de suite. Et puis ceci: "Quand un journaliste ne sait plus quoi dire parce qu’il est conscient qu’il y a eu un acharnement incroyable, il dit ‘’mais alors c’est un complot’’, et nous comme des imbéciles on n’a pas envie de dire oui parce qu’on passe pour des imbéciles. Oui, monsieur, c’est un complot!"

Une réplique de théâtre. On était au spectacle. Un spectacle électrique.

Anna Cabana