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Caroline Fiat, aide-soignante, députée et porte-voix des "Insoumis"

Caroline Fiat, à gauche sur la photo.

Caroline Fiat, à gauche sur la photo. - GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP

Caroline Fiat, députée élue en Meurthe-et-Moselle, vient de prendre ses marques à l'Assemblée nationale. Au Palais Bourbon, son CV détonne. Celle qui était encore aide-soignante il y a quelques semaines est revenue sur son parcours et ses objectifs pour BFMTV.com. Ses compagnons de route voient en elle une "tête dure", une représentante "aimée des militants".

Il s'agirait de ne pas se mettre en retard. "Vous êtes sûrs que ça n'a pas sonné? Ça m'inquiète, je ne vois plus de député dans la salle des Quatre-Colonnes". Caroline Fiat n'est députée élue dans la 6e circonscription de Meurthe-et-Moselle que depuis quelques jours. Si elle est fébrile, ce mercredi, dans ce petit jardin qui s'étend au flanc du Palais Bourbon, la caméra de TF1 qui la fixe n'y est pour rien. Elle craint cependant de ne pas entendre le signal aigrelet qui doit la rappeler vers les bancs d'un Hémicycle qui tente, péniblement, de se constituer un Bureau au milieu des colères et des huées.

"Caroline n'a pas besoin de posture"

La veille, Caroline Fiat a connu une séance inaugurale sportive. Son groupe, celui de "La France insoumise", a choisi d'en faire sa candidate au perchoir. Bien sûr, le poste de président de l'Assemblée nationale ayant été promis au poulain de la majorité, François de Rugy, elle n'avait pas une chance. Mais, plus que les trente voix qu'elle a rassemblées sur son nom, c'est sa désignation par ses confrères qui l'a vivement émue. "Pendant la réunion de groupe, Jean-Luc a émis le souhait que je sois la candidate, c'est là où j'ai eu la plus grande émotion parce qu'en plus tout le monde a dit: 'Mais oui, c'est ça!' retrace-t-elle auprès de BFMTV.com. "Pour le perchoir, c'était un symbole qui nous paraissait important. Il y avait deux raisons: tout d'abord, elle a battu le Front national, et puis il y a cette diversité politique, son ancrage social", nous explique le député "insoumis" élu en Seine-Saint-Denis, Eric Coquerel.

Son confrère, victorieux également en Seine-Saint-Denis, Alexis Corbière, abonde dans le même sens: "On voulait présenter une femme à la présidence de l'Assemblée parce que c'était une promesse que le président de la République avait faite, sans la tenir. Et puis, Caroline, elle n'a pas besoin de posture pour savoir ce que vivent des millions de gens. Elle connaît la vie des salariés, de ceux qui n'ont que leur travail pour vivre."

La première aide-soignante à l'Assemblée nationale

C'est son métier, effectivement, qui a apporté à Caroline Fiat sa première notoriété. Elle est la première aide-soignante à entrer à l'Assemblée nationale. Mais, aujourd'hui âgée de 40 ans, la néo-parlementaire a traversé plusieurs vies professionnelles: elle a exercé tour à tour les métiers d'ambulancière, de téléprospectrice, d'assistante commerciale, d'assistante de direction. "J'ai gravi les échelons comme ça", dit-elle avec une discrète fierté. Mais elle voulait plus de contact humain, davantage de "relationnel". Et la route la plus courte pour remplir cet objectif lui a paru être l'école d'aide-soignante. "Je n'ai fait que des contrats précaires. Je suis aide-soignante depuis 2009 mais mon contrat le plus long, ça a été trois ans dans un EHPAD privé", dépeint-elle. 

Son parcours l'a amenée naturellement à frapper à la porte de la commission des Affaires sociales lorsqu'il a fallu mettre sur pied les différents groupes de travail de l'institution. Elle le précise, elle n'a pas l'intention de ne traiter que des dossiers liés au monde de la santé et planchera, dès la semaine prochaine, sur le texte du projet de loi d'habilitation qui, s'il est adopté, permettra au gouvernement de réformer le droit du travail par ordonnances. A ce sujet, elle aura de quoi dire:

"J'interviendrai dans cette commission en tant qu'aide-soignante quand on parlera des baisses d'effectifs dans les hôpitaux. Je me ferai une joie d'expliquer comment ça se passe pour de vrai. Je pense que je demanderai à madame Buzyn d'aller prendre une douche en six minutes, déshabillage et rhabillage compris, et si elle n'y arrive pas je lui expliquerai que c'est ce qu'on nous demande à nous sur des personnes qui souffrent dans un lit", prévient-elle. Elle poursuit: "Je pense que ce qui est fait actuellement l'est parce que les gens à l'origine de ces politiques n'ont pas conscience des réalités. Je suis là pour les leur rappeler et ce sera un travail constructif. Je ferai remonter les informations et ma voix servira à le leur dire: 'La réalité, en ce moment, c'est ça. C'est pour ça que des collègues se suicident, que notre profession ne donne plus envie'." 

Une histoire de militants

Selon Alexis Corbière, son passé médical présente une autre vertu pour une députée. "Elle connaît le travail de nuit", nous confie-t-il, ce qui ne sera pas du luxe pour ces séances à l'Assemblée qui ne manqueront pas de traîner en longueur. Le bras droit de Jean-Luc Mélenchon est visiblement ravi de la personne qu'il a découverte pour la première fois le 20 juin dernier, lors de la visite collective des "Insoumis" au Palais Bourbon. "C'est une fille d'une grande modestie, d'une grande gentillesse. Elle est aussi très aimée des militants", relève Alexis Corbière. 

Elle leur doit son siège d'ailleurs. "Ce sont les groupes d'appuis d''Insoumis' de ma circonscription qui ont proposé ma candidature. Tout d'abord, j'avais accepté en tant que suppléante, ensuite le comité électoral m'a suggéré de passer en titulaire en m'expliquant que j'avais toute la légitimité pour. Ils n'ont pas eu tellement besoin de me pousser en fait", admet-elle.

Fille d'un syndicaliste

Maxime Da Silva est entré en contact avec Caroline Fiat, alors qu'elle était référente d'un groupe d'"Insoumis" lorrain. Le jeune homme de 24 ans, chargé notamment de l'organisation des transports de militants pour la marche parisienne de Jean-Luc Mélenchon le 18 mars, et la candidate se sont liés d'amitié au fil des heures passées ensemble au téléphone. Si au bout du compte, Caroline Fiat a défait au second tour des législatives le candidat du Front national Cédric Marsolle, Maxime Da Silva se souvient que cette issue n'avait pas forcément été prévue au calendrier du mouvement. "Pour certains candidats aux législatives, on envoyait du matériel personnalisé. J'ai dit aux 'Insoumis': 'Mettez-le paquet sur Caroline!' On m'a rit au nez", affirme-t-il à BFMTV.com. La principale intéressée aurait bien pu avoir la même réaction: "Je ne vous cache pas qu'en avril-mai on n'attendait pas grand-chose de l'élection. Nous, on n'a rien dépensé dans ma circonscription! Je n'arrêtais pas de dire: 'Attendez, on n'est pas sûr de faire 5%, on se détend, on ne dépense pas l'argent inutilement'", se remémore Caroline Fiat.

Le 18 juin au soir, c'est Maxime Da Silva qui lui a appris sa victoire: "Je l'ai appelée. J'ai vu un tweet de France 3 Meurthe-et-Moselle. Je lui ai dit: 'Tu vas être une élue de la République'". Elle a demandé au porteur de la bonne nouvelle d'être son assistant parlementaire. Celui-ci, qui est finalement devenu le collaborateur du député élu dans l'Ariège Michel Larive, avance que l'originalité de Caroline Fiat ne tient pas seulement à son CV: "Elle n'a pas été biberonnée à la politique". Pourtant, si Caroline Fiat boit aujourd'hui du petit lait sous les colonnades du bord de la Seine, c'est aussi grâce à son père. "A 16 ans, au lycée, j'ai commencé à militer aux jeunesses communistes. J'avais un papa syndicaliste à la CGT, donc j'ai même envie de dire qu'avant mes 16 ans j'ai dû faire des manifs du 1er-Mai", souligne-t-elle avant d'enchaîner: "C'est lui qui m'a donné envie de militer". Ces jours-ci, ses parents découpent les articles qui parlent de leur fille, enregistrent les interviews qu'elle accorde. 

"La tête dure"

Caroline Fiat entend rester "connectée aux réalités" et compte justement sur ses proches pour y parvenir. Mère de quatre garçons, de Kevin, 22 ans, à Lucas, trois ans, et mariée à un homme "qui ne fait pas de politique" mais l'a beaucoup "soutenue", la députée relaie: "Sans que j'aie eu à leur demander, mes militants et ma famille m'ont dit : 'Mais ne t'inquiète pas, si tu sors un peu de la ligne, on saura te le rappeler'. Eric Coquerel lui aussi garde un œil amical sur la feuille de route: 

"On attend d'elle qu'elle ait, comme à peu près tous les députés de la 'France insoumise', une tête dure. Je sais combien il va falloir qu'on s'oppose, vu l'ampleur avec laquelle le gouvernement et Emmanuel Macron mènent leurs attaques. Il y a du travail et c'est bien de pouvoir se reposer sur des gens qui tiennent bon et sont combatifs", confie-t-il à BFMTV.com. 

Et, pour Caroline Fiat, comme pour chaque député de l'Assemblée nationale, le combat va maintenant durer cinq ans. 

Robin Verner