Autonomie de la Corse: qu'est-ce que le modèle polynésien ?

Gaston Tong-Sang, président de l'Assemblée de la Polynésie française - Grégory Boissy
Ces mercredi et jeudi, Gérald Darmanin se rend en Corse afin d'apaiser les tensions très vives qui y règnent depuis la tentative de meurtre commise le 2 mars dernier sur l'assassin du préfet Erignac, Yvan Colonna. Au menu des discussions à venir avec les élus locaux, le ministre de l'Intérieur doit lever un tabou: celui de l'autonomie éventuelle de l'île.
Invité ce mercredi au micro d'Apolline de Malherbe, il a toutefois tempéré: "Ça peut être une autonomie à l'intérieur même de notre constitution actuelle. La Polynésie française a un statut d'autonomie qui lui permet évidemment d'être totalement dans la République et d'avoir une spécificité particulière, notamment pour tout ce qui est économique et social."
L'archipel du Pacifique bénéficie en effet d'un régime particulier qui lui assure une grande latitude pour gérer ses affaires.
Marge de manoeuvre
La Polynésie française jouit ainsi d'une marge de manoeuvre politique insolite dans un univers français souvent marqué par sa forte centralisation. "Si on envisage une révision constitutionnelle, les possibilités sont multiples. On pourrait conférer à la Corse un droit d'initiative legislative autonome donc un rapprochement avec le régime d'Outre-Mer", a ainsi exposé Jean-Philippe Derosier, professeur de droit public à l'Université de Lille, ce mercredi à BFMTV.com.
Le juriste met toutefois en évidence la singularité de la Polynésie française à l'intérieur même de ce régime d'Outre-Mer: "La Polynésie n'est pas un DOM-TOM, mais une COM, une Collectivité d'Outre-Mer".
Et à ce titre, le territoire peut "s'appuyer sur un autre fondement constitutionnel", prolonge le spécialiste qui le désigne: l'article 74 de la Constitution. Entré en vigueur le 29 mars 2003, celui-ci promet aux "collectivités d'outre-mer (...) "un statut qui tient compte des intérêts propres de chacune d'elles au sein de la République."
"Lois du pays"
Quant à définir le champ de compétences attaché à ce statut, le texte renvoie à l'élaboration d'une loi organique. Dispositif promulgué en 2004 pour la Polynésie française.
La loi organique prend d'abord soin de rappeler que l'Etat reste compétent en ce qui concerne la "nationalité, les droits civiques, le droit électoral, l'état et capacité des personnes ; la justice et garantie des libertés publiques ; la politique étrangère ; la défense ; les sécurité et ordre publics".
Une fois exclues ces chasses gardées, "la Polynésie française est compétente dans toutes les matières", énonce en revanche le texte. Politiquement dotée d'une Assemblée et d'une commission permanente, la Polynésie est libre de légiférer pour son propre compte. Elle peut ainsi adopter des "lois du pays", sous le contrôle scrupuleux cependant du Conseil d'Etat.
L'autonomie polynésienne s'étend encore à l'adoption "de mesures préférentielles", ajoute la loi organique de 2004, notamment "en faveur de la population en matière d'emploi ou de protection du patrimoine foncier."
Un écho aux aspirations corses
Un modèle qui fait écho aux aspirations des autonomistes corses. Ce mercredi matin, Gilles Simeoni, le président du Conseil exécutif de Corse, a ainsi appelé auprès de Franceinfo à la construction d'"un statut dans lequel les compétences régaliennes restent du domaine de l’Etat et dans un certain nombre de secteurs, la compétence est transférée à la Corse qui va exercer un pouvoir de nature législative".
L'élu insulaire a pointé entre autres "la fiscalité", "la politique de lutte contre la spéculation foncière" et "certaines politiques de développement économique".
