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Au Louvre, Emmanuel Macron a dîné avec le prince héritier d'Arabie saoudite

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Trois jours en visite en France, le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed ben Salmane a été reçu à dîner par Emmanuel Macron au Louvre dimanche soir avant d'être accueilli à l'Élysée mardi.

L'attribution de la Légion d'honneur à Mohammed ben Nayef, alors ministre de l'Intérieur d'Arabie saoudite, avait en son temps suscitée un tollé contre François Hollande. S'il ne s'agit pas de décoration cette fois, la réception imaginée par Emmanuel Macron pour le puissant Mohammed ben Salmane est elle aussi un symbole fort. Dimanche soir, le président de la République et le prince héritier du royaume autoritaire ont ainsi dîné au musée du Louvre. "MBS", surnom de l'héritier saoudien, est arrivé discrètement en France pour trois jours de visite avec pour ambition de relancer les relations diplomatiques entres les deux pays.

Discrétion

Arrivé en fin de matinée à l'aéroport du Bourget près de Paris où il a été accueilli par le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, le prince de 32 ans ne s'est pas montré publiquement pour cette journée de visite privée. Finalement, après maintes spéculations sur son agenda, l'Elysée a annoncé dimanche soir que le prince avait dîné avec le président français Emmanuel Macron au musée du Louvre, bouclé par un imposant dispositif de sécurité.

Le Louvre, "haut lieu du patrimoine culturel français", explique l'Elysée, a été choisi pour cette rencontre à l'occasion du lancement de l'exposition Delacroix, "peintre connu notamment pour son célèbre tableau La liberté guidant le peuple".

"L'Arabie saoudite est encore en tête de peloton des pays qui utilisent le plus la peine de mort, a rappelé la directrice France du HRW sur franceinfo. Les partenaires européens et en l'occurrence la France ne devraient pas fermer les yeux sur ces graves abus au prétexte qu'ils souhaitent soutenir leur ami prétendument réformateur", plaide ainsi Bénédicte Jeannerod.

Opération séduction

Les deux dirigeants "ont pu dans ce cadre privé, anticiper sur les sujets d'intérêt commun, avant les entretiens officiels de mardi", a souligné la présidence française sans autre détail. Cette rencontre annoncée à la dernière minute donne le ton de cette visite princière, placée sous le signe de la culture plutôt que des habituels gros contrats qui ponctuaient auparavant les relations entre Paris et Ryad.

Les deux capitales ambitionnent désormais d'instaurer une "nouvelle coopération" pour accompagner la transformation sociale et économique de l'Arabie saoudite.

Les deux pays doivent d'ailleurs signer un accord pour le développement touristique et culturel de la région d'Al-Ula (nord-ouest) particulièrement riche en vestiges archéologiques et paysages d'exception.

"MBS" est en pleine offensive de séduction des Occidentaux pour tenter de donner une image plus moderne de son royaume conservateur au pouvoir autoritaire. Une volonté soutenue par certaines mesures emblématiques en faveur du droit des femmes ou contre la corruption.

Mais si le prince héritier vient de passer pas moins de trois semaines aux Etats-Unis, l'allié historique de Ryad, le programme officiel de l'escale parisienne qui débute lundi s'annonce plus modeste.

Au total, près de 18 protocoles d'accord dans les domaines du tourisme, de l'énergie et des transports doivent être signés pendant la visite parisienne, selon une source proche de la délégation saoudienne.

Volet diplomatique

Le volet diplomatique sera lui délicat à gérer compte tenu de la relation compliquée entre Paris et Ryad.

L'Arabie saoudite est très active dans les nombreuses crises qui secouent le Proche-Orient, livrant une lutte féroce pour l'influence régionale contre son grand rival iranien, et le positionnement français vis-à-vis de l'Iran est trop modéré au goût de Ryad.

L'accord nucléaire iranien, la Syrie, la guerre au Yémen, - où Ryad intervient militairement - et la situation au Liban ont sans doute été abordés dimanche soir au Louvre et seront certainement au cœur de la rencontre officielle mardi après-midi avec le président Macron.

Sur l'Iran, les discussions risquent d'être tendues. Le prince héritier mise sur le resserrement des liens avec le président américain Donald Trump, qui a menacé de se retirer de l'accord nucléaire de 2015 avec l'Iran, faute d'améliorations de ce pacte international avant le 12 mai. Une éventualité décriée par les Européens, si bien qu'Emmanuel Macron devrait tenter de convaincre MBS qu'il vaut mieux tenter de sauver un accord.

Au sujet du Liban, Emmanuel Macron s'était impliqué personnellement en novembre dans la crise autour du Premier ministre libanais Saad Hariri. Ce dernier, apparemment sous la pression de "MBS", avait annoncé sa démission depuis Ryad, où il était resté retenu pendant deux semaines avant de revenir sur sa décision.

S'agissant du Yémen, des ONG ont l'intention de se faire entendre pendant la visite de "MBS" pour que Paris cesse ses exportations d'armes vers l'Arabie saoudite. Elles accusent Ryad de les utiliser contre des civils dans sa guerre avec les rebelles houthis soutenus par Téhéran, et Paris de laisser faire.

Louis Nadau avec AFP