BFMTV
Police-Justice

Villiers-le-Bel: pour l’expert, "aucun véhicule n’a percuté l’autre"

Pour Robert Hazan, leurs blessures n'auraient pas été mortelles "s’ils avaient porté un casque".

Pour Robert Hazan, leurs blessures n'auraient pas été mortelles "s’ils avaient porté un casque". - -

REPORTAGE - Presque six ans après l’accident qui a coûté la vie à deux jeunes et s’est suivi de deux jours d’émeutes à Villiers-le-Bel, le tribunal correctionnel de Pontoise juge jeudi le conducteur de la voiture de police entrée en collision avec la moto. Récit.

Quelle responsabilité avait Franck V. dans l'accident entre la voiture de police qu’il conduisait et la moto de Mouhsim et Lakamy, deux jeunes de Villiers-le-Bel, tués après le choc le 25 novembre 2007? Jeudi après-midi, le tribunal correctionnel de Pontoise tentait de reconstituer le difficile puzzle de la vérité, avec les dépositions des témoins et celle de l’expert qui a émis trois rapports tout au long de l’instruction.

Le choc? Robert Hazan, l’expert, a dépeint à la barre une "rencontre" malheureuse. Dans des explications quelque peu embrouillées, il a néanmoins soutenu que la moto n’était pas venue s’encastrer dans le véhicule de police, comme ses toutes premières constatations et les dépositions des policiers le laissaient initialement penser. La voiture n’aurait pas non plus renversé la moto arrivant de la gauche. C’était un concours de circonstances, une collision entre deux véhicules qui arrivaient de deux artères différentes exactement au même moment.

"S'ils avaient porté un casque..."

Alors, à qui la faute? Mouhsim et Lakamy, qui arrivaient à gauche, n’avaient pas respecté la priorité à droite. Et ils roulaient vite sur leur petite moto de compétition. "Très vite", diront même deux collégiennes qui marchaient dans la rue à ce moment-là. Par prudence, elles sont "montées chacune sur un trottoir" pour les laisser passer. L’une d’elle a reconnu Mouhsim, un bon pote. L’autre le connaissait aussi, mais ne l’a "pas reconnu" à cause de la vitesse. L’expert évalue leur vitesse à 66 km/h au moment du choc.

Pour Robert Hazan, leurs blessures n'auraient pas été mortelles "s’ils avaient porté un casque".

Le problème, c’est que la voiture de police aussi roulait trop vite. A la barre, Robert Hazan a été formel: "je me suis servi du calculateur ABS, qui est un outil très fiable. Là, je me suis rendu compte que non seulement la voiture roulait à 64 km/h au moment du choc, mais qu’en plus elle était en phase d’accélération depuis 16 mètres."

"J'ai dû accélérer sans m'en rendre compte"

Depuis le début de l’audience, Franck V. se tient très droit à la barre. Cette infraction? Il ne la conteste pas. Mais il ne l’explique pas non plus. "J’ai dû sensiblement accélérer sans m’en rendre compte", admet-il. Question de la présidente Dominique Andreassier: "Auriez-vous pu accélérer inconsciemment à cause d’un message transmis par votre radio?" "Non. J’ai franchi ce carrefour en pensant rouler à 50, exactement comme je l’aurais franchi avec mon véhicule." Il affirme également ne "pas avoir entendu la moto". Pourtant, d’après les témoins, celle-ci faisait "beaucoup de bruit".

"Je ne vous mens pas. J’ai toujours été sincère, plaide-t-il maladroitement. Quand je roule, je ne vois pas beaucoup de différence entre 50 et 60 km/h." Mais la différence y est, et Franck V. ne le sait aujourd’hui que trop bien. Outre le poids à porter ("je n’ai jamais pu retourner sur les lieux", confesse-t-il), le policier de 36 ans encourt jusqu’à 5 ans de prison et 75.000 euros d’amende.

Vendredi, le tribunal entendra les réquisitions du parquet, et les plaidoiries des parties civiles et de la défense, avant le jugement.


A LIRE AUSSI:

>> Villiers-le-Bel: un procès pour la vérité presque 6 ans après

>> Le policier "pensait rouler à une allure normale"

Mathilde TOURNIER