Trente ans après la disparition de Tatiana Andujar, le pôle cold case de Nanterre lance un appel à témoins

Tatiana Andujar, disparue à Perpignan, en 1995 - BFMTV
Il y a trente ans, Tatiana Andujar, 17 ans, disparaissait mystérieusement autour de 19h45 à Perpignan, en septembre 1995. Depuis, le mystère reste entier. La lycéenne s'est littéralement volatilisée. Ni son corps, ni ses effets personnels n'ont été retrouvés. Aujourd'hui, l'affaire est toujours dans les tuyaux. Le pôle cold case de Nanterre vient de lancer un nouvel appel à témoins.
"Toute personne susceptible d'avoir rencontré Tatiana Andujar à Perpignan dans la soirée du dimanche 24 septembre 1995, de détenir des informations en lien avec disparition ou désirant signaler des faits pouvant s'y rapporter est invitée à contacter directement les enquêteurs par messagerie électronique à l'adresse suivante: appel.tatiana66@gendarmerie.interieur.gouv.fr", est-il écrit dans l'appel à témoins diffusé par la gendarmerie de Montpellier et le pôle instruction de Nanterre.
L'espoir d'obtenir de nouveaux témoignages
Mais trente ans après, les mémoires sont troubles et les souvenirs s'effacent. Alors les magistrats et les enquêteurs recoupent les informations, formulent des hypothèses. "Il y a potentiellement des gens qui, à l'époque, n'ont pas voulu, n'ont pas pensé à dire ce qu'ils savaient", avance, confiante, Isabelle Théry, magistrate au pôle des affaires non-élucidées.
"Pour mille raisons, ils n'ont pas témoigné et aujourd'hui, en voyant cet appel à témoins, certains vont décrocher leur téléphone", lâche-t-elle.
Selon la magistrate, "c'est arrivé dans beaucoup de dossiers". Elle cite l'affaire Bruyère-Coordonnier. Les deux auto-stoppeuses belges de 22 ans, avaient disparu en août 1984 à Mâcon. "Vingt ans plus tard, après un appel à témoins, un type a relancé l'enquête. Il a appelé les enquêteurs en disant qu'il avait pris les jeunes femmes en stop, ça a relancé l'enquête."
Vue en gare de Toulouse
Pour Tatiana Andujar, en 1995, l'enquête avait mis du temps à démarrer. Au départ, une fugue est évoquée. La lycéenne a menti à ses parents. Elle devait passer le week-end à Font-Romeu. En réalité, elle était à Toulouse. À 17 ans, l'adolescente se rebelle et réclame un peu plus d'indépendance. La piste de la fugue est séduisante pour les enquêteurs, mais très vite, elle ne tient plus.
Un peu avant 17 heures, ce dimanche 24 septembre 1995, l'adolescente est montée à bord d'un train, en gare de Toulouse-Matabiau. Direction Perpignan. Pour certains, c'est bien la preuve qu'elle comptait rentrer chez elle.
Pendant le voyage, Tatiana fait la connaissance d'un militaire et d'un étudiant. Les trois camarades de voyage arrivent à Perpignan à 19h27. Ces informations sont corroborées par un jeune homme et son père. En sortant de la gare, il a croisé Tatiana et l'a saluée.
Tatiana, le militaire et l'étudiant se sont alors dirigés vers les cabines téléphoniques publiques du parvis de la gare. Selon l'appel à témoins, "au moins, un appel téléphonique a été passé depuis l'une de ces cabines par le militaire." Ce dernier et Tatiana échangent leurs numéros de téléphone. Et les trois jeunes gens se quittent. Les deux garçons disparaissent sur l'avenur du Général de Gaulle. Il est 19h45.
L'adolescente se volatilise
La suite est plus floue. Désormais seule devant la gare de Perpignan, Tatiana décide de rentrer chez ses parents. Une quinzaine de kilomètres la sépare de sa destination. Le trajet est un peu long à pied, et au milieu des années 1990, le stop est une pratique courante. C'est, potentiellement, ce qu'a choisi Tatiana pour rentrer.
L'adolescente prend la direction de la route de Thuir. "Elle a probablement emprunté la rue Courteline", mentionne l'appel à témoins. En possession d'une carte téléphonique, elle aurait aussi pu passer des appels depuis les cabines téléphoniques, suppose le texte.
L'adolescente s'est volatilisée, laissant ses proches dans le noir total. L'affaire n'avance pas et les pistes se transforment en impasses. Et bientôt, Tatiana n'est plus qu'un nom sur un dossier.
Plusieurs meurtres recensés dans les environs
Jusqu'en 1997. Année où Mokhtaria Chaib disparaît près de la gare de Perpignan. Trois jours plus tard, les enquêteurs retrouvent son corps mutilé. Disparu l'année suivante, le corps de Marie-Hélène Gonzales est lui aussi retrouvé mutilé.
Ces deux meurtres seront enfin résolus en 2014 et attribués à Jacques Rançon. Le tueur en série avoue les deux derniers meurtres, pour lesquels il sera condamné en 2021. Le criminel nie avoir croisé la route de Tatiana.
Entre-temps, une autre piste est explorée. Marc Delpech, tenancier d'un bar à Perpignan est interpellé pour le meurtre de sa prétendue maîtresse Fatima Idrahou, disparue à la gare de Perpignan en 2001. Il est condamné à trente ans de réclusion criminelle. Mais dans le dossier Tatiana, la piste Delpech est écartée.
En 2022, le pôle cold case de Nanterre reprend le dossier. Les milliers de côtes sont transférées à la section de recherche de Montpellier. Dans les Hauts-de-Seine, tout est repris à zéro. "Nous avons un luxe énorme. Nous avons trois ou quatre personnes qui relisent chaque procès-verbal, c'est un travail de fourmi, mais on est entraînés", explique Isabelle Théry. Et "dans ce dossier il se passe plein de trucs", lâche-t-elle.