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Terrorisme

Les attaques de l'Aude rappellent que la menace est le fait d'individus radicalisés en France

Des fleurs déposées devant la gendarmerie de Carcassonne le 24 mars 2018

Des fleurs déposées devant la gendarmerie de Carcassonne le 24 mars 2018 - Pascal Pavani-AFP

Comme le soulignent plusieurs experts, la menace terroriste est principalement le fait d'individus présents sur le territoire français. Le ministre de l'Intérieur évoquait déjà au mois de septembre la "propagande" jihadiste qui a réussi "à contaminer un certain nombre d'esprits".

Les attaques menées dans l'Aude par Radouane Lakdim, qui s'est radicalisé en France avant de tuer quatre personnes en se présentant comme un "soldat" de Daesh, soulignent la persistance d'une menace jihadiste interne qui inquiète les autorités.

"Le niveau de la menace terroriste n'a pas faibli"

Ces attaques rappellent "que le niveau de la menace terroriste sur notre territoire n'a pas faibli. Désormais surtout endogène, il est d'abord le fait d'individus radicalisés se trouvant sur notre territoire national", a expliqué vendredi le procureur de la République de Paris, François Molins.

"C'est un risque qui va durer, plus difficile à déceler", commentait cette semaine un haut-responsable de la lutte antiterroriste française dans un entretien à l'AFP.

Engagée dans la coalition militaire internationale intervenant en Syrie et en Irak contre l'organisation jihadiste, la France a été depuis 2015 la cible d'une vague d'attentats sans précédent désormais responsable de la mort de 245 personnes.

Des personnes influencées à distance

Mais il ne s'agit plus d'individus envoyés depuis la zone de combat irako-syrienne pour commettre des attaques en Europe, comme lors des attentats de Paris et Saint-Denis du 13 novembre 2015 (130 morts), mais de personnes influencées à distance par l'idéologie de Daesh avant de passer à l'acte.

Déjà en septembre 2017, au moment de la présentation de son projet de loi antiterroriste visant à prendre le relais du régime exceptionnel de l'état d'urgence, le ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb, avait évoqué cette menace interne: une menace née, selon lui, de la "propagande" jihadiste qui a réussi "à contaminer un certain nombre d'esprits".

Lors de ses vœux en début d'année, le ministre avait insisté en faisant du renseignement "la grande bataille" de 2018. À cette fin, quelque 2000 créations de postes sont prévues durant le quinquennat d'Emmanuel Macron pour la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) et le renseignement territorial.

"La menace est principalement le fait d'individus en France"

Le profil de Radouane Lakdim, l'assaillant jihadiste de l'Aude, fiché "S" (pour sûreté de l'État), évoque à ce stade celui d'autres auteurs d'attentats perpétrés en France, eux aussi radicalisés dans le pays, tel Zyed Ben Belgacem, abattu lors d'une attaque contre des militaires à l'aéroport d'Orly en mars 2017.

Au 20 février 2018, 19.745 individus étaient recensés au fichier des signalements pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT), un outil créé en 2015. Près de 11.000 d'entre eux faisaient l'objet d'une "prise en compte" effective des services.

Vendredi soir, le procureur de la République de Paris a indiqué qu'aucun élément ne pouvait à ce stade laisser penser que Radouane Lakdim avait eu l'intention de se rendre en Syrie. Selon une source proche de l'enquête, il ne s'est jamais rendu en Syrie et aucun passage en Turquie, point d'entrée vers les bastions de Daesh, n'a été signalé. 

"La menace est principalement le fait d'individus présents en France: soit de velléitaires qui ont été empêchés de se rendre en Syrie ou en Irak, soit de primo-terroristes qui peuvent passer à l'action sans qu'il y ait eu de signes avant-coureurs", déclarait en octobre le patron de la DGSI, Laurent Nunez.

200 "revenants" font l'objet d'une procédure judiciaire

Cette tendance s'est renforcée après la série de défaites subies par Daesh en Syrie et en Irak, où elle a perdu une très large partie des territoires qu'elle avait conquis à partir de 2014.

"La 'campagne d'Europe' que Daesh a lancée en mai 2014 avec l'attentat contre le Musée juif de Bruxelles se poursuit. (...) Cette campagne est pour l'essentiel menée par des cellules dormantes, comme en Catalogne en août 2017, ou des terroristes isolés, comme dans l'Aude", a expliqué à l'AFP Jean-Pierre Filiu, professeur à SciencesPo.

Et, ce, insiste cet expert, alors que le débat public s'est beaucoup focalisé récemment sur le risque que représentent les "revenants", c'est-à-dire ceux qui ont réussi à rejoindre les rangs de Daesh en zone irako-syrienne et qui pourraient être tentés de retourner dans leur pays d'origine pour commettre des attaques. À ce jour, un peu moins de 200 "revenants" font l'objet d'une procédure judiciaire en France, pour l'essentiel des hommes, selon une source proche du dossier.

C.H.A. avec AFP