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Terrorisme

La prison à perpétuité peut-elle s'appliquer aux terroristes?

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Manuel Valls s'est montré ouvert mercredi à l'aggravation des peines pour les auteurs d'attentats terroristes, voire à étudier l'idée d'une "perpétuité effective" lancée par Nathalie Kosciusko-Morizet. En réalité, ce dispositif existe déjà en France. Explications.

La peine maximale pour l'auteur d'un acte terroriste doit-elle être alourdie? Le débat a été ouvert lundi par Nathalie Kosciusko-Morizet, trois jours après l'arrestation de Salah Abdeslam, seul survivant du commando des attentats du 13 novembre. La candidate à la primaire de droite a émis l'idée de travailler à une "perpétuité effective", et interpellé Manuel Valls à ce sujet.

"Aucun problème à examiner" cette piste, a répondu le Premier ministre, un signe d'ouverture inhabituel à gauche qu'il a confirmé mercredi matin sur Europe 1, le chef du gouvernement estimant qu'il fallait "sans doute que les condamnations" pour terrorisme "soient encore plus lourdes".

Ségolène Royal est allée dans son sens mercredi après-midi à l'Assemblée nationale: "Il ne faut jamais se montrer fermé au débat, surtout compte tenu des circonstances exceptionnelles." Une pique destinée notamment à Bruno Le Roux, chef de file des députés socialistes, qui, lui, voit dans cette hypothèse d'une perpétuité effective une "peine de mort lente".

Ce que dit la loi aujourd'hui

En réalité, la perpétuité effective peut déjà être prononcée aujourd'hui pour les assassins, dans deux cas: lorsque la victime a moins de 15 ans, et qu'il y a eu viol, tortures ou actes de barbarie avant le meurtre. Ou lorsque la victime est un policier, un gendarme ou un magistrat tué dans l'exercice ou en raison de ses fonctions. Dans ces cas particuliers, la cour d'assises peut décider de n'accorder aucune période de sûreté au condamné, qui doit effectuer au moins 30 ans de prison incompressibles.

A l'issue de cette période, une expertise doit être "réalisée par un collège de trois experts médicaux", qui se prononcent sur l'"état de dangerosité" du détenu. En fonction de cette expertise, le tribunal d'application des peines peut décider de laisser le détenu incarcéré. Cette peine n'a été prononcée que trois fois à ce jour, notamment contre le tueur en série Michel Fourniret.

Certains détenus passent toute leur vie en prison

Mais bien d'autres détenus passeront la majeure partie de leur vie, voire toute leur vie, derrière les barreaux:

"Il y a des gens qui sont depuis plus de 40 ans en prison en France. Il y a des gens qui ne sortiront jamais. Je doute qu'on accorde un aménagement au tueur en série Guy Georges. La libération conditionnelle n'est pas un droit, c'est une possibilité", précise Virginie Duval, présidente de l'USM, syndicat majoritaire dans la magistrature.

L'auteur d'un acte terroriste encourt lui la réclusion criminelle à perpétuité assortie d'une période de sûreté de 22 ans, à l'issue de laquelle il peut demander une réduction de peine, voire une libération anticipée. C'est ce quantum que la loi pourrait prochainement alourdir.

La loi pourrait bientôt changer

En effet, il n'aura pas fallu que NKM ouvre le débat pour que ce sujet soit discuté. Un amendement au projet de loi pénal voté en première lecture par l'Assemblée prévoit en effet une période de sûreté de 30 ans pour les crimes terroristes les plus graves. Le texte doit être examiné en séance publique au Sénat, à compter du 29 mars prochain. 

Il reste toutefois interdit d'inscrire dans le marbre une peine de prison à perpétuité "effective": en effet, la Convention européenne des droits de l'Homme interdit de condamner un détenu "sans aucun espoir de sortie", et oblige les pays à "un réexamen" de la situation du détenu au bout de trente ans d'incarcération maximum.

Alexandra Gonzalez