Suicides dans la police: un policier raconte avoir failli basculer

Une nouvelle réunion est organisée ce jeudi au ministère de l’Intérieur entre la direction générale de la police nationale et les syndicats de police. Sur la table, l’épineux dossier des suicides au sein des forces de l’ordre. En 2017, 49 policiers se sont donné la mort, contre 36 en 2016. Le chiffre repart à la hausse, posant la question des conditions de travail et du mal-être ressenti par certains dans la profession.
Michel, policier, témoigne sur BFMTV de ce jour de 2014 où il s’est retrouvé au bord du désespoir, avec son arme de service.
"Je suis parti en voiture, chercher un endroit au calme, le plus serein possible", raconte-t-il. "J’avais déjà mis un texto à un collègue. Il était surpris de ne pas me voir arriver car on n’habitait pas loin. J’étais en train de réfléchir, sur un parking", continue-t-il.
Finalement, c’est le message de ce collègue qui le raccrochera à la vie.
"J’ai vu son message, et je me suis dit 'Je vais aller lui dire au revoir, vite fait'. J’avais caché mon arme. Il a tout de suite compris, et effectivement c’est lui qui m’a sorti de cette situation", relate Michel.
"En fait, on n'est que des numéros"
2014 est une année charnière pour le policier, qui souffre d’une séparation, mais aussi de la manière dont sont gérées les équipes au sein de sa brigade. Il fait part sur BFMTV de ce soir où, le jour de l’enterrement d’un collègue, lui et ses équipiers ont été mobilisés pour une opération spéciale.
"On travaillait le soir-même. On faisait notre travail, mais on n’était pas là pour faire des opérations spéciales, les Slic (structure légère d’intervention et de contrôle, NDLR) comme ils appellent. Et on nous a obligés à faire une Slic alors qu’on n’était pas en sécurité parce qu’on n’avait pas la tête à ça. Et là je me suis dit, 'en fait on n’est que des numéros, des chiffres, ils ne prennent pas en compte notre peine, qui était immense'. Ça a été une des gouttes d’eau qui a vraiment fait déborder le vase."
Aujourd’hui, Michel va mieux, a bénéficié d’un suivi psychologique et a pu réintégrer sa brigade. Il témoigne pour aider ses collègues qui se trouveraient dans le même cas, car son cas est loin d’être le seul.
"Ça fait de nombreuses années que nous alertons notre direction"
"Ça fait de nombreuses années que nous alertons notre direction centrale sur cette pression que nous avons sur les épaules", fait remarquer Bruno Bartoccetti, secrétaire national chargé de la région Sud pour Unité SGP Police. "Parce qu’au-delà des suicides dans la police qui sont importants cette année, nous avons beaucoup de policiers qui rencontrent des psychiatres ou des psychologues", poursuit-il.
En 2014 déjà, les forces de sécurité avaient connu une vague de suicides dont 55 policiers en 19 gendarmes avaient été victimes. Une série de mesures avaient alors été prises pour prévenir les drames.
Samedi dernier encore, environ 200 policiers en civil ont défilé dans le centre d’Alençon, rose blanche à la main, pour rendre hommage à l’un de leurs collègues qui s’est suicidé début décembre avec son arme de service. Ce jeudi, un CRS s'est donné la mort à Saint-Brevin-les-Pins, en Loire-Atlantique.