Selim, le fils du tueur en série Michel Fourniret, livre sa vérité

Michel Fourniret, Monique Olivier et Selim, au centre - Oli Porri Santoro
Pendant quinze ans, il s'est muré dans le silence. Tapi derrière son nouveau patronyme, il a préféré dire à qui voulait l'entendre que ses parents étaient morts. Agé de trente ans aujourd'hui, Selim, le fils unique de Michel Fourniret et de sa complice Monique Olivier, condamnés à la prison à vie pour l'enlèvement et le meurtre de sept adolescentes en France et en Belgique, a finalement accepté de livrer sa vérité.
Témoignage autant qu'enquête journalistique, Le Fils de l'ogre, paru début octobre, relate trois années d'entretiens, à raison de "deux à trois fois par semaine", entre le journaliste Oli Porri Santoro et celui qu'il ne faut plus appeler Fourniret.
"Tout est parti de la fin d'un Faites entrer l'accusé sur l'affaire: 'leur fils a changé de nom et vit désormais dans le sud de la France'. C'est peut-être parce que je suis de Nice mais cela m'a interpellé. J'ai fait une rapide recherche sur les réseaux sociaux et après, tout s'est enchaîné", raconte l'auteur.
"Jamais il ne criait"
De rencontre en rencontre, Selim déroule devant le journaliste le fil d'une enfance "où tout paraissait rose", à l'ombre d'un père certes dominateur et colérique mais jamais violent. Dans la mansarde familiale, entre la France et la Belgique, celui qu'il appelle "Mich-Mich" ou simplement "Michel" - jamais "papa" - bricole ou écoute des vinyles de variété française, qu'il reprend volontiers à tue-tête. Sa mère, elle, "végète" devant Julie Lescaut.
"Jamais il ne criait! Jamais! (...) Il était très colérique, ça oui, mais en ce qui me concerne, la violence n'a jamais dépassé le stade de la simple gifle", assure Selim.
Et de raconter par le menu ce jour où, furieux car son fils lui avait ramené un mauvais bulletin de notes, Michel Fourniret est sorti de chez lui pour, on l'apprendra par la suite, enlever une adolescente de 13 ans, Marie-Ascension. Ironie de l'histoire, c'est cette tentative d'enlèvement ratée qui permettra à la police de finalement mettre la main sur "l'ogre des Ardennes".

Le 26 juin 2003, alors qu'il n'a que quatorze ans, Selim apprend donc la vérité sur son père, en même temps que le reste de la France, devant le journal télévisé. Sa mère est arrêtée un an après pour être interrogée. Elle ne reviendra jamais au domicile familial. Selim est alors recueilli par son demi-frère.
Il passera un CAP restauration et même son Bac pro. Désormais agent de sécurité, il affirme "ne devoir la vie qu'à la peur du suicide". Sa demi-soeur, Marie-Hélène, a, elle, mis fin à ses jours en 2006. Selon sa mère, la deuxième épouse de Fourniret, son nom était devenu "trop lourd à porter". Selon le tueur en série, qui évoque sa mort dans une lettre, c'était plutôt un "échappatoire face à la pression médiatique".
"Salutations de Michel Fourniret"
Depuis son arrestation, Selim n'avait plus jamais eu de contact avec son père. Mais, incroyable hasard des dates, Michel Fourniret a envoyé une missive à son fils le lendemain du premier entretien entre Selim et Oli Porri Santoro. Cette correspondance surréaliste, intégralement retranscrite dans le livre, témoigne de la personnalité perverse et manipulatrice de Michel Fourniret.
Le tueur en série use d'un style alambiqué, parle en énigmes, comme dans cette lettre où il évoque, sans jamais dire s'il a oui ou non mis la main dessus, le magot du gang des Postiches, un "trésor sans nom à faire crever d'envie tous les banquiers de la planète".
"Il nous a aussi envoyé des avions en papiers, une brosse à dent gravée d'inscriptions", détaille Oli Porri Santoro.

"Des mains énormes"
Cette relation épistolaire aboutit finalement à des retrouvailles entre père et fils, en janvier 2016, dans le parloir de la centrale d'Ensisheim, en Alsace. Une rencontre à laquelle l'auteur du livre a assisté:
"La première chose qui m'a marquée à la vue de celui qu'on surnomme 'l'ogre des Ardennes', c'est de me trouver face à un petit monsieur, tout courbé, d'1,67 mètres", confie le journaliste. "C'est là que j'ai vu ses mains, des mains énormes."
Devant son fils qu'il n'a pas vu depuis quinze ans, Fourniret lâche une larme mais ne fait montre d'aucun remords. "Je suis un gros con, mais j'assume. Je ne regrette pas. Tout est dû à ma fierté incommensurable et sans borne" avance-t-il pour toute explication.
Cette entrevue sera en tout cas décisive puisque c'est devant son fils que Fourniret, après des années de dénégations, a avoué pour la première fois avoir "quelque chose à voir avec le meurtre de la petite Parrish", retrouvée morte en 1990 à Monéteau. Des aveux qu'il réitérera ensuite devant les enquêteurs, ouvrant probablement la voie à un nouveau procès courant 2020.
Depuis cette rencontre en prison, Selim n'a plus aucun contact avec Michel Fourniret.

Le Fils de l'ogre, Oli Porri Santoro. Editions Max Milo.