Promotion polémique "gilets jaunes": quelle est cette médaille remise aux forces de l'ordre par Castaner?

Plus de 9.000 noms figurent sur la promotion "gilets jaunes". - BFMTV
Elle est déjà surnommée "la promotion gilets jaunes" mais pas pour les mêmes raisons selon ceux qui utilisent l'expression. Le 16 juin dernier, le ministre de l'Intérieur signait de sa main un document de 258 pages reprenant la liste de plus de 9.000 policiers, gendarmes, militaires et pompiers récompensés de la médaille de la sécurité intérieure, attribuée pour un "engagement exceptionnel". Une récompense décernée deux fois par an, le 1er janvier et le 14 juillet.
C'est par décret du 28 mars 2012 que le gouvernement a créé cette médaille "destinée à récompenser les services particulièrement honorables, notamment un engagement exceptionnel, une intervention dans un contexte particulier, une action humanitaire ou l'accomplissement d'une action ponctuelle ou continue dépassant le cadre normal du service". Composée de trois grades (bronze, argent et or), elle est décernée par le ministre de l'Intérieur sans condition d'ancienneté. "Une belle récompense, ce n'est pas rien la MSI", reconnaît un policier contacté par BFMTV.
Promotion "gilets jaunes"
Il n'existe pas de critères précis et définis pour être décoré de la médaille à l'effigie de Marianne, et frappée des initiales de la République RF, hormis le fait d'avoir accompli une action précise, un engagement de longue durée, un travail sur une année ou encore la résolution d'une belle affaire. Elle est remise sur proposition des chefs de service, qui transmettent aux services départementaux, puis aux Directions générales de la police nationale ou de la gendarmerie nationale, et enfin au comité institué pour examiner les propositions d'attribution.
Celle qui vient d'être dévoilée dans la presse par Mediapart est une promotion exceptionnelle pour l'engagement des forces de sécurité pour l'exercice 2018-2019, d'où le surnom "promotion gilets jaunes". Hormis l'engagement des policiers et gendarmes lors du mouvement social depuis le 17 novembre, elle doit récompenser celui pendant l'incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris le 15 avril dernier. Il y a eu par le passé d'autres récompenses exceptionnelles, comme après les attentats du 13-Novembre, même pour ceux qui étaient restés "en périphérie" des lieux des attaques, comme l'avaient notamment réclamé les syndicats.
Peu de policiers de terrain récompensés
Mais cette nouvelle promotion irrite plus qu'elle ne satisfait. En premier lieu, car parmi les 9.162 noms inscrits sur la liste paraphée par le ministre de l'Intérieur, ne figurent que peu de policiers ayant participé sur le terrain aux opérations de maintien de l'ordre lors des manifestations des gilets jaunes. "Ils se sont auto-congratulés eux en récompensant seulement les commissaires, les sous-directeurs, les sous-préfets ou les préfets", grince un policier.
Pour exemple, il cite le nombre de commissaires de la Loire contre celui des policiers de terrain sur cette liste, 100% contre 3%. Pour la compagnie de sécurité et d'intervention de Paris, sur les 205 fonctionnaires mobilisés chaque semaine depuis le 17 novembre, 11 ont reçu la médaille, dont un policier qui a été blessé, détaille un de ses collègues. Dans les BAC parisiennes, dont les effectifs ont eux-aussi été sollicités lors de tous les week-end de mobilisation, il y a 8 médaillés, sur 44 policiers.
"C'est dommage, le ministre de l'Intérieur aurait pu donner un signal positif de reconnaissance de tous ces policiers qui depuis 35 semaines sont sur le terrain", regrette Fabien Vanhemelryck, secrétaire général délégué Alliance Police.
Des nominations polémiques
L'autre critique vient des cinq noms de policiers cités dans des affaires de violences policières dans le cadre du mouvement des gilets jaunes. Sur cette liste, que nous nous sommes procurée, figurent les noms du commissaire Rabah Souchi, impliqué dans l'affaire Geneviève Legay, et de sa compagne, Hélène Pedoya, en charge de l’enquête sur les événements survenus ce jour-là. Le nom du capitaine Bruno Félix est quant à lui intimement lié à l’enquête sur le décès à Marseille d'une octogénaire, Zineb Redouane, pour lequel il a été auditionné. Idem pour le commissaire divisionnaire à Nantes, Grégoire Chassaing, qui a reçu sa récompense 5 jours avant de donner l'ordre de gazage de jeunes lors de la Fête de la musique, jour de la disparition de Steve.
Ces nominations ne choquent pas les policiers, qui rappellent la présomption d'innocence dans ces affaires dont les enquêtes sont toujours en cours.
"Les dispositions de ce code prévoient que le retrait de la médaille de la sécurité intérieure peut être prononcé en cas de condamnation définitive pour un crime ou un délit, ou de sanction disciplinaire du récipiendaire. Si l’un des médaillés est reconnu responsable d’actes contraires à la déontologie ou de faute et sanctionné à ce titre, ou condamné par la justice, la médaille de la sécurité intérieure lui sera retirée", a quant à lui fait savoir le ministère de l'Intérieur.