Trois femmes jihadistes, soupçonnées d’avoir appartenu à l'État islamique, jugées à Paris

La cour d'assises de Paris (illustration). - AFP
Trois femmes jihadistes soupçonnées d'avoir appartenu au groupe État islamique (EI) en Syrie, dont la nièce des frères Clain, doivent comparaître à partir de ce lundi 15 septembre devant la cour d'assises spéciale de Paris, notamment pour association de malfaiteurs terroriste.
Jennyfer Clain, aujourd'hui âgée de 34 ans, est la nièce de Jean-Michel et Fabien Clain, deux responsables de la propagande de l'EI présumés morts en Syrie et voix de la revendication des attentats du 13-Novembre. Les deux autres accusées sont sa belle-mère, Christine Allain, et sa belle-soeur par alliance, Mayalen Duhart. Jennyfer Clain et Christine Allain comparaissent détenues.
Fabien Clain avait notamment lu le communiqué de revendication des attentats du 13-Novembre sur fond de chants religieux de son frère, un rôle "essentiel pour diffuser et amplifier la terreur et attirer de nouveaux combattants", avait estimé en 2022 la cour d'assises qui les avait condamnés en leur absence à la perpétuité incompressible.
C'était d'ailleurs la volonté de rejoindre ses oncles en Égypte qui avait conduit Jennyfer Clain à se marier religieusement à 16 ans avec un prétendant que Jean-Michel Clain avait choisi pour elle, Kevin Gonot. Elle les avait ensuite suivis tous les trois à partir de 2014 en Syrie, à Raqqa, où son mari était lui-aussi devenu membre de l'État islamique.
Un "itinéraire engagé dans l'idéologie salafo-jihadiste"
Sur place vivait également la mère de Kevin Gonot, Christine Allain, aujourd'hui âgée de 67 ans. L'ancienne éducatrice spécialisée, réputée sans histoire, s'était convertie à l'islam quelques années plus tôt. Autrefois sujette à la dépression, Christine Allain avait été initiée au Coran par son fils aîné, Thomas Collange, né en 1982 d'une première union, et qu'elle considérait comme "le sauveur".
Ce dernier avait également entraîné dans sa nouvelle foi sa compagne, Mayalen Duhart, d'abord rencontrée à l'adolescence dans son Pays basque natal, puis retrouvée à la faculté de Toulouse, où il avait fait la connaissance de Fabien Clain.
À partir de 2004, le couple Duhart-Collange s'était rendu à plusieurs reprises en Syrie, avant de s'y installer définitivement en 2014, trois ans après le début de la guerre dans ce pays. Les départs en Syrie des trois accusées s'inscrivaient dans la poursuite d'un "itinéraire engagé depuis une dizaine d'années dans l'idéologie salafo-jihadiste", écrivent les magistrats dans leur acte d'accusation dont l'AFP a eu connaissance.
Le procès devant la cour d'assises spécialement composée - c'est-à-dire sans jurés populaires, la règle en matière de justice antiterroriste - doit se tenir jusqu'au 26 septembre. Les trois accusées encourent jusqu'à 30 ans de réclusion.
Mis en examen en 2019
Christine Allain, Jennyfer Clain et Mayalen Duhart avaient été expulsées de Turquie et mises en examen à leur arrivée en France en septembre 2019, accompagnées de neuf enfants de 3 à 13 ans. Elles avaient été arrêtées deux mois plus tôt dans la province turque de Kilis, frontalière avec la Syrie.
L'interpellation mettait fin à deux années d'itinérance après la chute de Raqqa, lorsqu'elles avaient suivi le groupe État islamique le long du fleuve Euphrate, au gré de la perte des territoires du fait des offensives kurdes. Kevin Gonot et Thomas Collange avaient été arrêtés lors de cette retraite. Le premier avait été condamné à mort en Irak en 2019.
Dans leur décision de les renvoyer devant une juridiction criminelle, les juges d'instruction ont relevé que les trois mises en cause "se sont maintenues de manière durable" au sein de groupes jihadistes.
"C'est bien en toute connaissance de cause" que la belle-mère et ses deux brus ont fait le choix, "après l'instauration du califat, de rejoindre l'EI en Syrie", elles et leurs familles bénéficiant de salaires ou de logements fournis par l'organisation, ont encore souligné les magistrats.
Jennyfer Clain et Mayalen Duhart sont également poursuivies pour s'être soustraites à leurs obligations parentales, notamment pour avoir emmené volontairement leurs enfants qui vivaient jusqu'alors en France - quatre chacune - "dans une zone en guerre pour y rejoindre un groupe terroriste, en les exposant ainsi à un risque important d'atteinte physique et psychologique" et "de graves traumatismes".