EN DIRECT - Procès de Jacques Rançon: Isabelle Mesnage a été "victime d’un prédateur qui guettait"

Jacques Rançon sur le banc des accusés du tribunal de Perpignan, le 26 mars 2018 - RAYMOND ROIG © 2019 AFP
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En conclusion, ce mercredi, les avocats de la défense ont soulevé les lacunes des premières investigations et reproché aux enquêteurs de l'époque d'avoir réinterprété leurs constats dans une logique à charge contre Rançon.
>>> Retrouvez notre compte-rendu de ce deuxième jour d'audience: Procès de Jacques Rançon: les "erreurs" de l'enquête de 1986 pointées du doigt par la défense
La défense s'agace des propos d'un gendarme qui accable, selon les avocats, leur client
"Vous nous tenez des propos qui calquent un peu trop à la personnalité de M.Rançon", s'agace Me Brivet-Galaup.
"Ajd j'éprouve un sentiment de satisfaction car on connaît l'auteur", "non on ne le connaît pas", s'énerve l'avocat. La présidente intervient: "On saura vendredi si M.Rançon est coupable ou non, seule la cour le dira."
"S'il s'avère être le coupable, j'en éprouverai une satisfaction pour la famille qui aura enfin la réponse qu'elle attend depuis 35 ans", se corrige l'enquêteur Eeckout.
"Ca m'a taraudé pendant 35 ans"
Serge Eeckout explique que ce "cold case" de 35 années l'a "taraudé" tout du long. "On n’a pas fait le rapprochement avec le viol de Nathalie Boulongne en 1992 (pour lequel Jacques Rançon a été condamné) alors que ça s’est passé dans une même zone géographique. Ça, ça me désole".
"Il y avait une signification" laissée sur la scène de crime
La cour entend Serge Eeckout, un autre gendarme qui a mené l'enquête en 1986. Comme Denis Cocohe, il reconnaît que des erreurs ont été commises lors des investigations.
Mais cela ne l'a pas empêché de se forger des convictions au moment où le corps de la vicitme a été retrouvé.
"Pour moi il y avait une signification, on a discuté de l’option d’un sadique qui cherchait à assouvir un désir sexuel".
Comme l'avance l'accusation, il se dit persuadé que les parties genitales de la victime ont été sectionnées, "ce n’est pas le fait d’un animal". Selon lui, le bâton retrouvé à côté de la victime a sûrement servi à la mutilation.
Le gendarme reconnaît des "erreurs" lors des premiers mois de l'enquête
Denis Coche reconnaît plusieurs "fautes, des erreurs" dans la technique et la rigueur au cours des premiers mois de l’enquête.
La défense poursuit son travail de détricotage de l’accusation: "En gros, tout [l’enquête] est basé sur une hypothèse."
La défense pointe les contradictions de l'enquêteur
Les avocats de la défense pointent les contradictions du gendarme qui a mené l’enquête en 1986: il ne connaissait pas les causes de la mort, à l’époque il constatait des "dégradations" sur le corps et non pas des "blessures" comme il l’a dit ce matin, "vous n’avez pas vu à l’époque d’ablation quelconque sur le corps d’Isabelle Mesnage"...
"Si des organes avaient été prélevés est-ce que vous vous en souviendriez aujourd'hui?", demande Me Capelet. "J’ai été marqué par l’état de décomposition. Il y a peut-être des détails qui m’ont échappé", répond le gendarme, Denis Coche.
L'avocat pose cette question car la mutilation des organes genitaux est un des éléments retenus par l’accusation pour mettre Jacques Rançon en cause car il avait procédé ainsi pour le meurtre de Moktaria Chaïb à Perpignan. Cette confrontation a évidemment pour but de soutenir l’acquittement de leur client qu’ils comptent réclamer.
Jacques Rançon habitait à quelques centaines de mètres du lieu du crime
Jacques Rançon habitait à une centaine de mètres de l’endroit où le corps a été retrouvé. Mais il n’a jamais été suspecté avant 2017. "A l’époque, il avait 26 ans et pas de lourd passé criminel. Donc son nom n’est jamais apparu dans le dossier...", explique le gendarme qui a enquêté sur le meurtre en 1986.
Isabelle Mesnage a été "victime d’un prédateur qui guettait"
On entend désormais Denis Coche, un ancien enquêteur de gendarmerie. Au moment des faits, il était lieutenant à Amiens.
Il raconte : "Le 30 juin 1986, la brigade de Corbie était informée qu'Isabelle Mesnage n’avait pas rejoint son travail, un comportement inhabituel pour elle. Après vérification, les gendarmes apprennaient qu’elle était partie faire une randonnée avec du matériel et des provisions. Le 3 juillet, un sac à dos ensanglanté et des affaires éparpillées étaient retrouvés dans un champ."
Et d'ajouter: "Sur place, on découvrait le corps de la victime en état de décompisition avancé. Il était évident que la mort avait été très brutale. J’ai toujours pensé qu’elle avait été victime d’un prédateur qui guettait sa victime et qui l’a très violemment agressée."
"On ne peut pas laisser des tueurs en série sans condamnation", dit une partie civile
L'épouse de Philippe Mesnage est à la barre. Me Brivet-Galaup, l'un des avocats de Jacques Rançon, lui demande si, pour elle, la justice passe forcément par une condamnation pour elle?
"Il y a déjà eu trop de victimes, il faut que justice soit rendue. On ne peut pas laisser des tueurs en série sans condamnation", répond-elle.
"Si ce n’est pas Rançon le coupable, ce sera une nouvelle déception", pour le frère de la victime
Me Seban, l'un des avocats des parties civiles demande à Philippe Mesnage ce qu'il attend du procès. L'homme vêtu de beige répond:
"Si c’est bien Jacques Rançon le coupable j’espère qu’il ne ressortira pas de prison car il a déjà fait suffisamment fait de mal. Si ce n’était pas lui, ce serait une nouvelle déception."
"Elle n’aurait jamais imaginé rencontrer quelque assassin que ce soit"
Elle pratiquait le tennis en compétition et "donnait son temps aux autres" dans une association catholique, où elle a rencontré sa meilleure amie, Catherine Gacquere.
Le frère de la victime ajoute: "C’était une sportive, elle aimait la liberté. C’est pour ça qu’elle était sur ce chemin le jour de sa mort. C’était une des premières fois où elle partait seule. Elle n’aurait jamais imaginé rencontrer quelque assassin que ce soit. C’était une idéaliste", raconte Philippe Mesnage.
Isabelle Mesnage, une femme intelligente et entourée d'amis
Ce mercredi, le procès commence par l’audition d’Audrey Guy qui a enquêté sur la personnalité de la victime, Isabelle Mesnage.
"L’idée est de dire l’enfant qu’elle était, l’adolescente et la jeune femme."
Grâce à ses discussions avec la famille et les proches d’Isabelle Mesnage, l’enquêtrice de personnalité la décrit comme "un garçon manqué" qui "avait ce qu’elle voulait". C’était une fille intelligente, entourée d’amis, en quête de liberté.
L'expert psychiatre note une totale "indifférence à l'égard des victimes"
La présidente a ensuite tenté de sonder ce père de quatre enfants de trois mères différentes sur ses relations successives. Il a assuré avoir été amoureux de quatre compagnes et avoir aimé les trois enfants qu'il a reconnus, mais n'a rien trouvé à dire pour justifier ses longues sorties nocturnes à l'époque des faits.
Pour l'expert psychiatre, "il y a une sorte de confusion chez lui entre faire l'amour et viol" et une "facilité déconcertante à passer à autre chose" après ses crimes, avec une totale "indifférence à l'égard des victimes".
"Pour lui, les femmes l'humilient, le trompent et trouvent mieux ailleurs", résume-t-il, décrivant un homme "obsédé par la question de sa virilité".
Une enfance malheureuse
Une enquêtrice de personnalité a ensuite retracé l'enfance de Jacques Rançon dans un baraquement misérable, à Hailles, dans la Somme, entre une mère analphabète qu'il qualifie de "simplette" et le frappe et un père maçon qui a eu treize enfants d'une précédente union.
Sa demi-sœur décrit à la barre un père alcoolique très violent et un enfant "pas heureux". "J'étais malheureux, bien malheureux", a-t-il confirmé, les poings sur les hanches.
Pour l'avocat de Rançon, des "éléments permettent de douter fortement de sa culpabilité"
À l'ouverture du procès mardi, Jacques Rançon a nié avoir violé et tué Isabelle Mesnage. "C'est pas moi", a-t-il lancé à la cour. Mais très vite, son rapport à la vérité a été interrogé. Concernant un meurtre pour lequel il a été condamné en 2018 à Perpignan, il l'avait d'abord nié avant de le reconnaître: "Au début j'ai pas menti, c'est parce qu'il n'y avait pas la preuve ADN".
"Donc si on ne vous apporte pas la preuve, vous ne reconnaissez pas?" l'a question l'un des avocats des parties civiles, Me Didier Seban. "Si on veut", a lâché l'accusé de 61 ans.
Mais pour l'avocat de Rançon, "un certain nombre d'éléments permettent de douter fortement de sa culpabilité".
Deuxième jour pour le procès de Jacques Rançon
Bonjour et bienvenue dans ce direct, consacré à la deuxième journée du procès de Jacques Rançon, à la cour d'assises d'Amiens. Il est accusé du meurtre d'Isabelle Mesnage en 1986.
En 2018, il a déjà été condamné à la perpétuité pour les meurtres de deux femmes à Perpignan, en 1997 et 1998.
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