À Lyon, une femme jugée pour l'assassinat de son grand-père, la question de la fin de vie point central du procès

Les jurés de la cour d'assises devront trancher: s'agit-il d'une affaire d'assassinat ou celle d'un meurtre sur fond de détresse d'un proche en fin de vie? Emilie G. comparaît ces mercredi 2 et ce jeudi 3 octobre devant la juridiction pour avoir donné la mort, en août 2020, à son grand-père, un nonagénaire grabataire et en fin de vie. "Pour moi, j'ai euthanasié mon grand-père", répètera la jeune mère de famille de 32 ans pendant l'instruction.
Le 23 août 2023, c'est la fille de Manuel A. qui découvre son père de 95 ans sur son lit médicalisé, son corps à moitié carbonisé. Depuis quatre ans, le nonagénaire, qui était installé en Espagne, est revenu vivre chez sa fille et son gendre à Saint-Laurent-de-Mure, dans la banlieue de Lyon, à la suite d'une mauvaise chute. L'homme, autour duquel se relaient trois auxiliaires de vie, ne marche plus depuis plusieurs années. Celui dont le caractère colérique est décrit passe le plus clair de son temps en position fœtale.
Ce jour-là, la fille de la victime et son gendre se sont absentés pour la journée, ils ont accepté un déjeuner chez la sœur de ce dernier. Une sortie rare pour le couple qui décline chaque invitation en raison de l'état de santé de Manuel D. À leur retour en début de soirée, le détecteur de fumée sonne, une fumée noire sort de la chambre du nonagénaire, située au rez-de-chaussée. Immédiatement, le couple pense à un dysfonctionnement du système électrique du lit médicalisé.
Du carburant dans la chambre
Rapidement, les enquêteurs écartent la piste accidentelle, du carburant a été découvert dans la chambre, des doses "minimes", au niveau de la pompe du matelas anti-escarre, de la literie, de la couette et de l'alèse et au sol. Les investigations, et notamment l'analyse des images de vidéosurveillance et du bornage téléphonique, révèlent des incohérences avec l'audition de la petite-fille de la victime, une jeune mère de famille de 28 ans, à l'époque, qui habite à proximité de chez ses parents.
À son domicile, en perquisition, est retrouvé un bidon d'essence portant son ADN. En garde à vue, la jeune femme reconnait les faits. Elle se révolte d'abord face aux questions des gendarmes l'accusant d'avoir tué son grand-père. Comment cette mère de famille, professeur de langues étrangères, décrite comme "gentille, serviable et généreuse", a-t-elle pu passer l'acte?
"C'est quand que ça s'arrête"
Elle racontera que son grand-père, qui l'a élevé jusqu'à l'âge de ses 6 ans, qui l'appelait parfois "ma fille", qui avait vécu chez ses parents pendant dix ans avant de partir en Espagne puis de revenir, lui avait confié vouloir en finir. Elle revient sur cette phrase qu'il aurait prononcée: "N'oublie pas de dire à ta mère qu'elle me donne la pilule pour que je m'endorme et que je ne me réveille plus."
Quelques semaines avant sa mort, Manuel D., alors incapable de se lever, de manger seul ou de se laver, disait à sa petite-fille: "C'est quand que ça s'arrête, je n'en peux plus". Elle racontera aussi cette fois où elle a découvert son grand-père souillé. "J'ai pris une baffe ce jour-là... il était dans un tel état!..."
"Je me suis dit qu'il voulait en finir, peut-être pas de cette façon, mais il voulait partir", expliquera-t-elle encore aux enquêteurs.
"Projection de violence"
Ce 23 août 2020, sur la route du McDonald's avec ses deux enfants, elle a fait un arrêt chez ses parents, qu'elle savait absents. Elle raconte avoir entrouvert la porte de la chambre de son grand-père, avoir entendu que ce dernier dormait, avoir jeté de l'essence sur le gonfleur du matelas, d'avoir été cherché une feuille de papier, d'y avoir mis le feu et de l'avoir jeté dans la chambre, avant de refermer la porte et partir en courant. "Pour moi, ce qui m'importe, c'est que mon grand-père soit mort comme il le voulait, sans souffrir, dans son sommeil." Un expert évoque une agonie "brève" de la victime.
L'accusation retient, elle, que Manuel D. est décédé à cause d'une intoxication aux fumées, mais aussi des "brûlures vitales au cours de l'incendie". Si l'expert psychiatre relève chez la jeune femme une altération du discernement en raison des liens forts qui l'unissait à son grand-père, l'experte psychologue met en avant "la position centrale" occupée par la jeune femme lui laissant penser qu'elle était missionnée pour mettre fin à la vie du vieil homme.
Les experts notent également que le jour du passage à l'acte n'a rien d'anodin. La veille, elle découvrait l'infidélité de son mari. Cet acte d'euthanasie est alors perçu comme "une projection de la violence qui lui a été faite et un comportement à tonalité suicidaire".
Les bancs des parties civiles seront vides. La famille soutient la jeune femme qui encourt la réclusion criminelle à perpétuité. Aujourd'hui, l'accusée dit regretter son geste.