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Police-Justice

Procès Méric: Serge Ayoub entendu comme témoin, "clown dangereux" pour la mère de la victime

Serge Ayoub, fondateur du groupe Troisième Voie, au tribunal d'Amiens le 27 mars 2017 pour une audition dans un autre procès lié à un mouvement violent d'extrême droite.

Serge Ayoub, fondateur du groupe Troisième Voie, au tribunal d'Amiens le 27 mars 2017 pour une audition dans un autre procès lié à un mouvement violent d'extrême droite. - François Lo Presti - AFP

Serge Ayoub, figure de l'extrême droite, était entendu ce mardi lors du procès des agresseurs présumés de Clément Méric. La mère de la victime a dénoncé un "clown dangereux", qui s'est lancé dans des explications sur son groupe et le fascisme, en plus de son récit.

Une figure de l'extrême droite était entendue ce mardi comme témoin dans le procès des agresseurs présumés de Clément Méric, déclaré mort le 6 juin 2013 à la suite de coups reçus la veille dans le 9e arrondissement de Paris. Convoqué la semaine dernière, Serge Ayoub, 53 ans, avait fait faux bond à la cour d'assises de Paris, certificat médical à l'appui.

Au milieu des années 2000, après quelques années à l'étranger, il relance le groupuscule d'ultra droite Troisième Voie et les Jeunesses nationalistes révolutionnaires (JNR), un "service d'ordre" d'une trentaine de gros bras qu'il avait créé dans les années 1980. Il ouvre un bar associatif, Le Local, qui devient un carrefour de l'extrême droite parisienne.

Serge Ayoub y développe sa doctrine, le "solidarisme", d'inspirations diverses de gauche et extrême droite, qui dénonce notamment l'immigration massive. "Un nationalisme populaire, populiste, xénophobe, anti-bourgeois et révolutionnaire", selon le spécialiste de l'extrême droite Jean-Yves Camus.

Après l'altercation fatale à Clément Méric, à la sortie d'une vente privée, c'est au Local que se retrouvent les skinheads impliqués. Juste avant et après la bagarre, Serge Ayoub n'a d'ailleurs cessé d'être en contact avec les principaux accusés, Esteban Morillo, et Samuel Dufour, tous deux 25 ans aujourd'hui.

"Pas de poing américain" pour Morillo selon Ayoub

Ce mardi, dans des propos relayés par Le Figaro, il a affirmé à la présidente du tribunal que le premier, qui a reconnu avoir porté des coups à Clément Méric, "avait la main gonflée" au bar et n'avait donc "pas de poing américain".

C'est là l'un des points clés du procès: Esteban Morillo et Samuel Dufour sont jugés pour des coups mortels portés en réunion et avec arme, un crime pour lequel ils encourent jusqu'à 20 ans de prison. Quinze ans si l'usage d'arme est écarté.

Deux expertises médicales se contredisent sur le sujet: l'une conclut à l'existence d'une fracture "compatible avec l'usage d'un poing américain", l'autre ne constate "aucune fracture des os propres du nez" et le médecin "n'a pas la possibilité d'affirmer l'utilisation d'un poing américain".

Serge Ayoub a affirmé ce mardi ne pas bien connaître Esteban Morillo et avoir été d'abord contacté par l'ex-compagne de celui-ci, une femme nommée Katia.

"Cette femme m’appelle parce qu’elle me dit que des amis à elle sont encerclés par des antifas. Je lui ai dit d’appeler la police", déclare-t-il. Une fois au téléphone avec le jeune homme, il confirme lui avoir conseillé de "foncer" et "dégager" des lieux, avant l'altercation.

Une nuit de coups de téléphone

Plus tard dans la soirée, il rapporte avoir conseillé aux personnes impliquées dans la bagarre de "trouver un avocat pour (se) rendre et éviter de (se) faire broyer". C'est d'ailleurs comme ça qu'il explique la trentaine de coups de téléphone passés toute la nuit, dont un long de 13 minutes avec Esteban Morillo.

Outre son récit de la soirée où Clément Méric est mort, parfois sur un ton qui lui a valu des remarques de la part de la juge, Serge Ayoub s'est aussi lancé dans un exposé sur Troisième Voie et le fascisme à la barre, rapporte Le Figaro. Il a aussi présenté son livre, la Doctrine du solidarisme, et affirmé que les JNR étaient "républicains dans (leurs) symboles et (leurs) démarches" et "pour l'application de la loi".

"Il est responsable, bien évidemment" selon Agnès Méric

Présente depuis le début du procès, la mère de Clément Méric a décrit un "clown" à la sortie de l'audience. "Le problème c'est que c'est un clown dangereux", a développé Agnès Méric devant les caméras, à propos de Serge Ayoub. "Il est responsable, bien évidemment", a-t-elle soutenu, "il développe des messages de haine".

Vendredi dernier, elle a souhaité lors de la troisième journée d'audience "que les choses soient clarifiées et que (l)a mémoire (de son fils, NDLR) soit respectée." Face à Esteban Morillo, elle a dit n'avoir pas décelé "une prise de conscience de la gravité de ce qui s'est passé".

L.A., avec AFP