Procès de trois apprentis jihadistes: leur parcours passé au crible

Le palais de justice de Paris, où trois candidats au jihad sont jugés jusqu'à vendredi. - -
Il s'appellent Fares, Salah et Youssef. Originaires de région parisienne, ils ont respectivement 21, 24 et 26 ans. Depuis 14 heures ce jeudi, ils comparaissent devant la 16e chambre du tribunal correctionnel de Paris. Comme deux lycéens de Toulouse récupérés dimanche en Turquie, ils sont soupçonnés d'avoir voulu se rendre dans ce pays pour, de là, aller grossir les rangs des jihadistes français en Syrie.
Repérés par les services de renseignement, ils ont été placés sur écoute un peu plus d'un mois avant leur tentative de départ, au printemps 2012. L'accusation s'est fondée sur ces échanges, où les trois jeunes gens s'exprimaient sur leurs projets communs, mais aussi sur des achats logistiques et sur le contenu de leurs ordinateurs et de leurs téléphones. Le 14 mai 2012, ils ont été interpellés à l'aéroport d'Andrézieux Bouthéon, près de Saint-Etienne, alors qu'ils s'apprêtaient à s'envoler pour la Turquie.
"Gavé de vidéos"
Aux enquêteurs, seul Fares, le plus jeune, a admis ce projet commun. Ses deux amis avaient avancé un projet de reportage "dans les camps de réfugiés syriens" en Turquie, justifiant ainsi la présence de caméras dans leur bagages. Et malgré la lecture d'échanges téléphoniques éloquants à l'audience jeudi, ils sont restés sur ces positions.
Jeudi, Fares a de nouveau avoué s'être "radicalisé sur Facebook", s'être "gavé de vidéos qui racontaient le jihad". Au point que c'était devenu "une évidence", a-t-il expliqué à l'audience, cité par le journaliste de France Info Stéphane Pair.
djihadistes / Fares "me suis radicalisé sur Facebook. me suis gavé de vidéos qui racontait le djihad. c'est devenu une évidence"
— Pair Stephan (@pairIDF) 30 Janvier 2014
Et il raconte. Ses deux acolytes, c'est à Nice qu'il les a rencontrés. Pas en région parisienne où ils vivent pourtant tous les trois. C'est un homme, présenté comme le recruteur de la cellule jihadiste locale, qui les a mis en relation. Ils envisageaient d'abord de partir pour la Libye; ce sera finalement la Turquie.
D'origine franco-algérienne, le jeune homme est hôte d'accueil en CDI dans un magasin des Champs-Elysées. Ancien sportif de haut niveau, c'est après une blessure qu'il s'est mis à traîner sur Internet pour regarder "des vidéos" qui "montraient que le jihad est une cause juste, que le combat de Ben Laden est légitime", indique Europe 1. Il clame "ne plus le penser".
Son profil Facebook regorge d'ailleurs d'allusions à l'islam radical. Il se fait appeler "Fares le cavalier perse", indique résider à "Bagdad" et posséder "l'Islamic Shariah" (sic) pour opinion politique. "C'est juste un personnage de jihadiste, s'est-il défendu à l'audience, je pensais que porter les armes était une forme de piété."
Déni désinvolte
Le tribunal n'a en revanche pas réussi à percer les motivations, ni le processus de radicalisation des deux autres prévenus. Malgré les preuves accumulés contre eux, Youssef et Salah ont continué de nier de manière désinvolte, sourire goguenard aux lèvres. "L'entraînement" dont ils parlaient dans leurs conversations, quelques jours seulement avant leur départ? "Si là où j'allais, il y avait un entraînement pour courir, faire du sport, je le ferais. Je peux m'entraîner et ne pas faire la guerre. Pour le plaisir", a notamment argué l'un d'eux.
"Moi je ne vois pas le rapport entre des visas, des ambassades et des cannes à pêche" s'étonne le président. #LT
— Marie-Laure Combes (@MarieLaureC) 30 Janvier 2014
Dans leurs conversations téléphoniques, arrivait un moment où ils semblaient s'inquiéter d'être sur écoute, et parlaient parfois de manière plus absconse. Au milieu d'une conversation traitant d'"ambassade" et de "visas", ils parlaient notamment de "canne à pêche" et de "gros poisson". Le président a abordé ce point à l'audience. "Vous pêchez dans le désert?" Réponse du prévenu: "oui, à Tombouctou sur le fleuve Niger".
Plus éloquent que son fils, le père de Salah a néanmoins admis dans un témoignage écrit que son fils "passait ses nuits sur Internet". Inquiet qu'il ne tombe dans le fondamentalisme, il lui avait même "pris son passeport" pour l'empêcher de partir.
djihadistes / témoignage du père de salah cité - "Il passait ses nuits sur internet. Lui ai pris son passeport pour l'empêcher de partir"
— Pair Stephan (@pairIDF) 30 Janvier 2014
Le procès doit s'achever vendredi avec les réquisitions du parquet et les plaidoiries des avocats.