Nouvelle mobilisation contre les "mégabassines": Darmanin craint "des actes d'une très grande violence"

Gérald Darmanin a dit craindre "des actes d'une très grande violence" à l'occasion de la nouvelle mobilisation des opposants aux "mégabassines" dans le Poitou. "6.000 à 8.000 manifestants" y sont attendus d'ici à dimanche, dont "un millier de personnes extrêmement violentes, "qu'on pourrait qualifier de radicalisées", a déclaré le ministre de l'Intérieur ce lundi 15 juillet sur France Info.
Plus de 3.000 policiers et gendarmes sont mobilisés pour un nouveau rassemblement contre les "bassines" cette semaine dans le Poitou.
Quelque 10.000 personnes, selon les organisateurs, sont annoncées de mardi à dimanche au "Village de l'eau", campement établi à Melle (Deux-Sèvres), à 15 km seulement de Sainte-Soline, où le chantier d'une retenue d'eau avait donné lieu à des affrontements en mars 2023 entre opposants et forces de l'ordre.
Ils avaient fait de nombreux blessés, "une cinquantaine de gendarmes dont certains gravement", a rappelé Gérald Darmanin, et 200 manifestants dont deux restés plusieurs jours dans le coma.
Des convois venus de plusieurs pays européens
"Plus d'une centaine de militants d'ultragauche", venant de pays européens limitrophes, se sont vus prononcer une interdiction d'entrée sur le territoire, a indiqué Gérald Darmanin. Une quinzaine de convois venus de France mais aussi de Belgique, d'Allemagne et d'Italie doivent converger à Melle.
Outre les ateliers, formations et débats, deux manifestations sont au programme: vendredi, "une grande marche populaire et un convoi de vélos" se déroulera à Saint-Sauvant (Vienne), où le chantier d'une future retenue d'eau doit démarrer en septembre.
Des "actions de désobéissance civile" sont destinées à "arracher un moratoire" sur la construction des réserves, affirment les organisateurs. Le lendemain, à la Rochelle (Charente-Maritime), les organisateurs appellent "à prendre kayaks, paddle et autres bateaux gonflables" pour bloquer le port agro-industriel "dans une ambiance de carnaval".
"Les intimidations policières et les éventuelles interdictions ne doivent pas nous empêcher de venir en masse pour exprimer notre opposition aux méga-bassines", avaient affirmé les organisateurs la semaine dernière. Pour l'heure, seul le Village de l'eau a fait l'objet d'une déclaration officielle et seule la municipalité de Melle, qui l'accueille, aurait compétence pour l'interdire. Les manifestations, elles, n'ont pas été déclarées.
Des observateurs de la LDH déployés
Comme à Sainte-Soline (Deux-Sèvres), la Ligue des droits de l'Homme (LDH) a annoncé qu'elle déploierait des observateurs, au nombre d'une cinquantaine cette fois, membres des Observatoires des libertés publiques et des pratiques policières de Poitou-Charentes et d'une dizaine de villes en France.
"Ils et elles observeront et documenteront le déploiement et l'action des forces de police et de gendarmerie mobilisées", a précisé la LDH dans un communiqué, soulignant que ces personnes "clairement identifiables" par leur tenue "ne sont pas des manifestants" et "feront preuve d'une totale neutralité" dans leur mission.
Après le rassemblement de Sainte-Soline, la LDH avait dénoncé "un usage immodéré et indiscriminé de la force" de la part des gendarmes, qui avaient tiré plus de 5.000 grenades lacrymogènes en moins d'une heure et demie sur les manifestants au plus fort des affrontements. Dans un rapport très détaillé, la LDH avait aussi mis en cause des entraves au secours des blessés, fermement démenties par les autorités.
Le monde agricole agite le spectre d'une "guerre civile"
Alors que la tension monte dans le monde agricole, la Confédération paysanne a appelé à "sortir de l'impasse et de la confrontation destructrice" pour renouer le dialogue sur la question du partage de l'eau, au coeur du débat sur les "bassines". Les réserves dites de substitution, qui visent à stocker de l'eau puisée dans les nappes en hiver afin d'irriguer les cultures en été, sont pour leurs partisans une condition de survie face au changement climatique. À l'inverse, leurs détracteurs décrivent un "accaparement" de l'eau par l'agro-industrie.
"Ne laissons pas la guerre civile s'installer dans nos campagnes", a lancé de son côté la Coordination rurale, tout en appelant à l'auto-défense face aux "groupuscules écologistes". Les agriculteurs du territoire "feront le nécessaire pour se protéger et protéger la profession", a prévenu le syndicat, majoritaire dans la Vienne et soutenu par ses troupes très actives du Lot-et-Garonne.
"En République, c'est l'État, ce sont les gendarmes, les policiers et les préfets, qui ont le monopole de la force", a répondu Gérald Darmanin au sujet d'éventuelles contre-manifestations. La FNSEA, majoritaire dans la profession, appelle quant à elle "au calme et à la responsabilité". "Il est hors de question de faire un rassemblement qui n'est pas autorisé", a déclaré à l'AFP Hervé Lapie, son secrétaire général, excluant de "faire notre milice pour protéger nos exploitations".La dernière mobilisation en date des "anti-bassines", le 11 mai dans le Puy-de-Dôme, n'avait pas été interdite et n'avait donné lieu à aucun incident.