Moussa, humanitaire français détenu au Bangladesh: "Mon frère est placé à l'isolement"

Moussa, humanitaire français, est retenu en prison au Bangladesh depuis le 22 décembre 2015. - BFMTV.com
Georges, 34 ans, est l'aîné d'une fratrie de cinq enfants. Tous ont grandi à Montreuil, en région parisienne, où ils résident encore aujourd'hui. Mais depuis le 22 décembre, leur frère Moussa, 28 ans, est incarcéré à Teknaf, au sud du Bangladesh, après être parti en mission humanitaire pour venir en aide aux Rohingya, une minorité musulmane très pauvre et opprimée. D'une voix calme et désabusée, Georges raconte à BFMTV.com les dernières avancées de cette affaire.
Comment va votre frère?
Il a perdu beaucoup de poids. Au début, il était dans une cellule avec une quarantaine de détenus, mais il a fini par être placé à l'isolement. Les conditions d'hygiène ne sont pas bonnes, la nourriture non plus. On n'a réussi à lui parler directement qu'une seule fois par téléphone, il y a dix jours. Ca a fait beaucoup de bien à ma mère de l'entendre.
Sa situation judiciaire a-t-elle évolué?
Pas vraiment. Mercredi dernier, on a appris que la décision de justice de sa libération était annulée, à cause d'un nouveau rapport de police. Ca a été très dur, on était vraiment abattus. Depuis, on attend qu'une nouvelle date d'audience soit fixée, afin de reformuler une demande de libération. On reste confiants avec ses avocats, on sent que les choses bougent: j'ai été reçu par le Quai d'Orsay, certains élus commencent à se mobiliser, et Moussa doit rencontrer le consul français dans la journée en prison.
Savez-vous ce que la justice reproche à Moussa?
Au début, ils l'ont accusé d'activités suspectes et d'usurpation d'identité. La confusion vient du fait que son nom d'usage musulman, qu'il a adopté lors de sa conversion à l'Islam, n'est pas le même que celui sur ses papiers d'identité, Matthieu. Mais il a été blanchi pour ces deux délits, d'où la première décision de libération. Désormais, on l'accuse d'acte illégal avec complicité, sans donner de précisions. Même le Quai d'Orsay ne comprend pas ce qu'on lui reproche. Je pense qu'ils sont dérangés par le fait que mon frère venait en aide à une minorité opprimée, les Rohingyas.
Comment votre famille a-t-elle vécu sa conversion à l'Islam?
A l'époque, il y a dix ans, quand il nous a annoncé qu'il voulait se convertir, on lui a demandé pourquoi. Nous sommes tous chrétiens protestants dans la famille. Il nous a expliqué qu'il avait lu tous les textes et qu'il se sentait plus proche du Coran. On a respecté sa décision. Il n'a jamais essayé de nous convaincre de changer, il n'a jamais demandé à nos deux petites soeurs de se voiler. Il ne s'est jamais radicalisé. D'ailleurs, peu de temps avant son départ au Bangladesh, nous sommes allés tous en famille avec lui à un mariage chrétien, très religieux.
Que pensez-vous de l'association BarakaCity, qui l'emploie?
On a entendu beaucoup de choses négatives au début (l'ONG est pointée du doigt pour les prises de positions de certains dirigeants salafistes, ndlr), donc on a eu peur. Mais on s'est informés, leur président est venu nous voir, nous avons dialogué, et nous avons compris que tout était clair, et qu'ils agissaient uniquement dans un but humanitaire. De toute façon, Moussa ne se serait jamais engagé pour une autre cause que celle d'aider les plus démunis.
Etiez-vous inquiets avant son départ?
Dans la famille, on s'inquiète toujours de ses nombreux voyages humanitaires, car il part souvent dans pays à risques, mais on n'aurait jamais pu imaginer qu'il soit incarcéré. Lui non plus d'ailleurs: quand il a été arrêté, il a eu le temps de nous envoyer un sms pour nous dire qu'il s'agissait sûrement d'un banal contrôle d'identité...