Mort de Nahel à Nanterre: que risque le policier placé en garde à vue pour "homicide involontaire"?

Deux jours après la mort de Nahel, un adolescent de 17 ans tué par un policier lors d'un contrôle routier, le fonctionnaire, auteur du tir, doit être présenté à un juge, ce jeudi, en vue d'une mise en examen pour "homicide volontaire".
"Au regard des faits et de la nécessité de préserver les investigations", le parquet de Nanterre, qui a ouvert une information judiciaire, a requis le placement en détention provisoire de l'agent de police, a indiqué le procureur, lors d'une conférence de presse, ce jeudi midi. Ce dernier a également estimé, qu'après audition des policiers et analyse des vidéos à sa disposition, "les conditions légales d’usage de l’arme n'étaient pas réunies".
Si une source policière assurait que le conducteur avait tenté de foncer sur les forces de l'ordre, cette version a été contredite par une vidéo diffusée par les réseaux sociaux qui montre le policier, qui a fait usage de son arme, placé sur le côté du véhicule au moment du tir - et non pas face à lui.
Quelques heures après les faits, une première enquête avait été ouverte pour refus d'obtempérer et tentative d'homicide volontaire sur personne dépositaire de l'autorité publique. Une autre enquête, ouverte pour homicide volontaire par personne dépositaire de l'autorité publique, avait été confiée à l'IGPN, la police des polices. Le fonctionnaire, auteur du tir, avait été placé en garde à vue dans la foulée. Que risque le policier s'il est mis en examen pour "homicide volontaire"?
La perpétuité encourue
En France, les forces de l'ordre ne peuvent faire usage de leur arme "qu'en cas d'absolue nécessité et de manière strictement proportionnée", selon le Code de la sécurité intérieure.
Parmi les cas exceptionnels, les policiers sont autorisés à tirer "lorsqu'ils ne peuvent immobiliser, autrement que par l'usage des armes, des véhicules (...) dont les conducteurs n'obtempèrent pas à l'ordre d'arrêt et dont les occupants sont susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d'autrui", précise la réglementation.
Autrement dit, il faut que le conducteur menace physiquement la vie d'un agent ou qu'un tiers soit susceptible d’être blessé dans la fuite. C'est dans ce cas qu'entre en jeu la légitime défense.
Mais si la qualification d'homicide volontaire, c'est-à-dire le fait de donner volontairement la mort à autrui, est retenue, le policier risque jusqu'à trente ans de réclusion criminelle, selon l'article 221-1 du Code pénal. Dans l'éventualité où l'agent est condamné, le tribunal peut également prononcer des peines complémentaires, comme l'interdiction d'exercer pour une durée limitée, 5 ans maximum, ou de manière définitive.
Et la peine pourrait potentiellement s'alourdir, explique Me Jérôme Navy, avocat au barreau de Paris. "Les deux policiers ont expliqué que le conducteur leur avait foncé dessus, et qu'il menaçait leur vie", poursuit l'avocat. "Si la justice estime qu'ils ont menti", il pourrait s'agir de "faux en écriture publique par une personne dépositaire de l'autorité publique", une infraction punie de quinze ans de réclusion criminelle et de 225.000 euros d'amende.
Cette deuxième qualification pourrait aggraver la peine encourue. "Si un homicide volontaire est précédé ou suivi d'une autre infraction, qui revêt une qualification criminelle, comme c'est le cas du faux en écriture publique par une personne dépositaire de l'autorité publique, ça fait passer la peine encourue à la perpétuité", précise Me Navy.
Une possible radiation définitive
Mais en plus de l'enquête judiciaire, il y a souvent une enquête administrative. Celle-ci peut aboutir éventuellement sur des sanctions disciplinaires. Dans la fonction publique, elles peuvent aller de l'avertissement, à l'exclusion temporaire, voire à la révocation.
"L'IGPN va réaliser son enquête, mais elle ne sanctionne pas. Elle rend ses conclusions et envoie ses préconisations au directeur général de la police nationale. C'est lui seul qui peut prendre des mesures disciplinaires", explique une source policière.
La sanction la plus grave est évidemment la révocation, c'est-à-dire la radiation des effectifs de la police nationale. "Elle peut venir d'une décision de justice", poursuit cette même source. "Si le tribunal prononce une interdiction d'exercer ou d'inéligibilité, peu importe la décision administrative, vous êtes de facto radié des effectifs de la police."
"De toute façon, la décision judiciaire l'emporte toujours sur la décision administrative", affirme une source policière.
L'enquête se poursuit et le policier reste présumé innocent.