Le hacker Ulcan jugé ce jeudi pour des appels malveillants

En 2014, Martine Aubry, maire de Lille, suspend le processus de jumelage de sa ville avec une autre commune israélienne, récusant les bombardements effectués par l'Etat israélien sur la bande de Gaza. Sans savoir qu'elle allait provoquer l'ire de Grégory Chelli, hacker connu sous le pseudonyme d'"Ulcan".
L'homme se met à appeler l'édile au beau milieu de la nuit, puis a recours à la technique du "swatting", qui consiste à piéger la police par un appel anonyme pour la forcer à intervenir en toute urgence. Il contacte les forces de l'ordre, se fait passer pour le mari de Martine Aubry, dit qu'il vient de tuer sa femme et qu'il fera feu si une intervention a lieu. Provoquant l'arrivée des forces de l'ordre en pleine nuit.
Série d'appels malveillants
C'est pour ces faits, et quatre autres affaires, que Grégory Chelli est jugé ce jeudi par le tribunal correctionnel de Paris.
Parmi ses cibles, on compte également le média Rue89, mais aussi Libération, Radio France ou Médiapart, dont il a attaqué numériquement les sites, jugés pro-palestiniens. La rédaction de Politis a ainsi reçu la visite de la police, avertie qu'une prise d'otage était en cours dans les locaux du journal.
Le journaliste de Rue89 Pierre Haski a également été la cible d'une tentative de "swatting". Grégory Chelli avait à l'époque appelé la police se faisant passer pour ce dernier, déclaré qu'il venait de tuer sa femme, avait ouvert le gaz dans son immeuble et qu'il s'était retranché armé chez lui.
Une cible victime d'un infarctus
Plus grave encore et toujours chez Rue89, les proches du journaliste Benoît Le Corre, auteur d'une enquête dénonçant ces méthodes, ont du faire face aux appels du hacker. Après la publication de l'article, "Ulcan" a appelé les parents du journaliste. BFMTV a pu avoir accès à l'enregistrement.
On y entend Grégory Chelli se présenter comme "la police, la première DPJ". "Je vous appelle car votre fils vient d'avoir un accident. Il a été agressé suite à l'un de ses articles. Il s'est pris une lame au niveau de l'intestin. Et malheureusement il est décédé". Avant de monter le ton, "Il est mort il est mort hein, c'est pas moi qui l'ai tué vous voulez que je fasse quoi moi?"
Quatre jours après ce coup de téléphone, le père du journaliste fait un infarctus. Il décédera un mois et demi plus tard. A l'annonce du décès du père du journaliste, Grégory Chelli avait poussé encore plus loin dans le sinistre, en l'appelant pour lui présenter toute "sa condescendance".
Pour l'avocat de la famille, l'infarctus est directement lié à cet appel.
"Le médecin qui a examiné monsieur Le Corre à sa mort a estimé qu'il y avait un rapport direct avec le choc qu'il a reçu", juge Antoine Comte, avocat de la famille Le Corre auprès de BFMTV.
Si le lien de causalité est établi entre la mort de la victime et l'appel téléphonique, le hacker risquerait 15 ans de réclusion. Disproportionné pour Me Gilles-William Goldnadel, avocat d'"Ulcan".
"C'est disproportionné, et je considère que la procédure qui vise à penser que M. Le Corre en serait décédé est également disproportionnée", juge-t-il, toujours au micro de BFMTV.
Néanmoins, Grégory Chelli ne sera pas jugé pour ce dossier spécifique ce jeudi. Le dossier est retourné sur la table du juge d'instruction. La Cour de Cassation a annulé le renvoi du hacker pour des raisons de procédure.
Reclus en Israël
Vivant en Israël depuis 2013, pays dont il a obtenu la nationalité, Grégory Chelli ne devrait pas apparaître à son procès. Son cas a déjà été source de tensions entre Paris et l'Etat hébreu. En 2015, Laurent Fabius, à l'époque ministre des Affaires étrangères, avait évoqué l'affaire au Premier ministre Benjamin Netanyahu.
Et comme le rappelait BFMTV.com l'année dernière, Israël n'extrade des individus que dans des pays avec lesquels il a passé un traité d'extradition et seulement si ces individus pourront purger leur peine dans une prison israélienne. Or, la France et Israël n'ont pas signé de traité d'extradition.