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Police-Justice

"La hiérarchie n'a pas compris sa souffrance": l'épouse de la directrice d'école qui s'est suicidée le jour de la rentrée témoigne

L'école primaire de Moussages (Cantal), le 3 septembre 2025.

L'école primaire de Moussages (Cantal), le 3 septembre 2025. - RMC

L'épouse de Caroline Grandjean, directrice d'école qui s'est suicidée le jour de la rentrée dans le Cantal, a pris la parole pour la première fois dans la presse. Elle décrit une femme passionnée par son métier, qui a souffert de l'absence de soutien de l'Éducation nationale.

Quelques jours après le suicide d'une directrice d'école dans le Cantal, son épouse prend la parole. Auprès de France 2, Christine dénonce le climat d'insécurité dans lequel Caroline a vécu pendant plusieurs mois, victime de harcèlement homophobe, et dénonce l'absence de soutien de l'Éducation nationale.

"C'était une enseignante passionnée", se souvient son épouse, désormais veuve.

À 42 ans, Caroline Grandjean était institutrice dans l'école de Moussages, un village du nord du Cantal. "Elle savait créer un climat de confiance. Si les enfants sont en confiance, il n'y a pas de problème... Le problème vient de l'extérieur", soutient Christine.

La directrice d'école a mis fin à ses jours après des mois de harcèlement homophobe. En 2023, un tag homophobe avait été inscrit sous le préau de son école. Choquée, la directrice d'école avait bénéficié d'un arrêt de travail.

"Ça a commencé par 'sale gouine'. Et puis un qui était grave dans une école, c'est 'gouine=pédophile'", raconte Christine. "J'ai dit, 'là, fais attention'."

D'autres inscriptions ont ensuite été découvertes, ainsi qu'une menace de mort dans la boîte aux lettres de l'école. Caroline Grandjean dépose plusieurs plaintes, mais finit par être de nouveau en arrêt de travail depuis avril dernier, tout en dénonçant l'indifférence de l'Éducation nationale, de la mairie et des parents d'élèves.

"La hiérarchie n'a pas compris sa souffrance"

Selon sa femme, c'est ce manque de soutien collectif et non les injures et insultes en elles-mêmes qui l'a le plus fait souffrir. "La hiérarchie n'a pas compris la souffrance de Caroline."

Cette absence de soutien est aujourd'hui largement dénoncée par les syndicats de l'enseignement, qui réclament des explications après ce suicide. Caroline avait lancé plusieurs appels à l'aide auprès de sa direction et n'avait pas caché son mal-être, alors qu'elle aimait toujours autant son métier.

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"La solution qui a été proposée, soi-disant pour la protéger, c'était d'être déplacée", déplore Florence Comte, secrétaire et porte-parole du S2DÉ, un syndicat de directrices et directeurs d'école sur RMC. Une fausse solution, d'après cette dernière.

De plus Caroline ne voulait pas changer d'établissement. "Je me suis battue pour pas qu'elle y retourne, mais elle voulait revenir à Moussages. Elle voulait continuer, parce qu'elle n'a rien fait", insiste Christine au micro de France 2." Avant d'ajouter: "Je ne veux pas qu'elle soit partie pour rien."

Des tensions avec des parents d'élèves?

En plus de l'absence de soutien, Christine déplore quelques tensions avec des parents d'élèves. Toutefois, le délégué représentant des parents d'élèves Julien Audinet assure que tout a été fait pour l'aider.

"Nous, tous les parents d'élèves, avons été sollicités par la gendarmerie pour être auditionnés, et nous avons toujours eu des entretiens avec l'inspectrice académique de la circonscription pour évoquer les sujets et essayer de réagir à ces faits qui nous dépassaient un petit peu."

Une procédure en "recherches des causes de la mort" a été ouverte par le parquet d'Aurillac (Cantal). La ministre Élisabeth Borne a quant à elle saisi l'inspection générale de l'Éducation nationale pour "faire la lumière sur la mort de Carole Grandjean".

01.48.06.42.41: la ligne d’écoute anonyme de SOS Homophobie
La ligne d'écoute de SOS homophobie est animée par des bénévoles formés à recueillir les témoignages et apporter aux victimes attention, réconfort et pistes de solutions dans le plus strict anonymat. Ce numéro est joignable du lundi au jeudi de 18 heures à 22 heures, le vendredi de 18 heures à 20 heures, le samedi de 14 heures à 16 heures et le dimanche de 18 heures à 20 heures.

3114: le numéro national de prévention du suicide
Le 3114 est le numéro à contacter si vous êtes en détresse psychique ou si vous avez des idées suicidaires. Vous pouvez également le contacter si un de vos proches est dans ce cas. Il propose une écoute avec des professionnels de santé spécialement formés, et est disponible sept jours sur sept, 24 heures sur 24.

Juliette Moreau Alvarez