Des syndicats dénoncent le "pas de vague" de l'Éducation nationale après le suicide d'une directrice harcelée

L'école de Moussages que dirigeait Caroline Grandjean, cette enseignante qui s'est suicidée le jour de la rentrée scolaire. - RMC
Encore une victime du "pas de vague"? Les syndicats ont partagé leur tristesse et leur amertume après le suicide ce lundi 1er septembre, jour de la rentrée scolaire, d'une collègue, directrice et enseignante dans une école du Cantal victime de harcèlement en raison de son homosexualité.
Entre 2023 et 2024, des tags lesbophobes avaient été inscrits dans l'établissement de la commune de 250 habitants et un courrier de menace de mort avait été découvert dans la boîte aux lettres de l'école. Elle avait tenté de médiatiser cette affaire, s'estimant lâchée par l'Éducation nationale.
"Elle avait fait appel au syndicat en juillet 2024 après toute une année scolaire très difficile (...) parce qu’elle voulait reprendre son poste d’enseignante en septembre à l’école de Moussages, et la hiérarchie le lui refusait", expliquait ce mercredi 3 septembre Florence Comte, secrétaire et porte-parole du S2DÉ, un syndicat de directrices et directeurs d'école sur RMC.
"Depuis le départ, elle nous a dit qu'elle n'avait pas eu le soutien qu'elle aurait mérité de la part de l'institution. Elle en a énormément souffert. Trop souvent, l'Éducation nationale utilise le 'pas de vague'. La solution qui a été proposée, soi-disant pour la protéger, c'était d'être déplacée", a-t-elle ajouté.
"Temporiser-minimiser-contourner"
Dans un article publié dans Marianne en juillet 2024 où Caroline Grandjean avait témoigné, l'enseignante expliquait que la direction académique l'avait nommée sur un poste de remplaçante dans une autre école primaire du département auvergnat situé "trois fois plus loin" de chez elle.
Le rectorat s'était alors justifié auprès de l'hebdomadaire. "Nous avons suivi l’avis émanant du médecin du travail, très inquiet pour l’enseignante. En tant que responsable hiérarchique, nous devions en tenir compte".
Dans un communiqué publié ce mardi 2 septembre, la CGT Educ'action explique qu'après avoir déposé plainte, l'enseignante avait bénéficié grâce aux instances départementales de la reconnaissance d'un accident de service ainsi qu'une protection fonctionnelle.
"Les pouvoirs publics n’ont pas été en capacité de trouver l’auteur [des tags et menaces] ni de soutenir correctement notre collègue. Pis, l’Éducation nationale a une nouvelle fois tenté de temporiser-minimiser-contourner les choses, sans solution acceptable pour une agente", dénonce le syndicat.
"Les procédures ne nous permettent pas de protéger les personnels"
Pour le syndicat SE-Unsa, cette situation est emblématique d'un décalage entre les déclarations de bonne volonté de l'institution de lutter contre les discriminations mais d'un problème opérationnel.
"Aujourd'hui, les procédures ne nous permettent pas de protéger les personnels victimes. Ce n'est pas un problème de volonté mais d'opérationnalité. On a un système qui est vieux, sclérosé", regrette Karine Fromont, secrétaire nationale en charge des conditions de vie et de travail des personnels au syndicat SE-Unsa.
La représentante du personnel estime que la proposition de changement d'établissement était inadéquate. "On l'a déjà vécu avec d'autres collègues et heureusement, ça ne va pas jusqu'au drame, mais en dépit du déplacement, les faits se reproduisent. Vous prenez le Cantal, en zone rurale, la personne va se retrouver dans une nouvelle école, dans un contexte similaire, qui favorise la répétition des faits, puis les gens parlent", regrette-t-elle.