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Justice des mineurs: Gérald Darmanin juge que l'État est "parfois un parent défaillant"

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Le ministre de la Justice appelle à modifier le droit pour éviter des drames comme la mort du jeune Elias, poignardé mortellement après avoir réfusé de remettre son téléphone portable à deux mineurs.

"Défaillant", "mauvais"... Le ministre de la Justice Gérald Darmanin a largement pointé du doigt ce vendredi 14 février sur BFMTV-RMC la responsabilité de l'État, non seulement dans la gestion des mineurs délinquants, mais aussi parfois dans la "protection" au préalable de ces derniers, notamment lorsqu'ils sont issus de "milieux de violence".

Une façon de justifier l'arsenal de mesures souhaité par le camp présidentiel pour durcir la justice des mineurs, en réponse notamment aux émeutes urbaines de 2023, successives à la mort du jeune Nahel après un tir policier.

Elias, "l'État n'a pas su le protéger"

Pour caractériser son propos, Gérald Darmanin est d'abord revenu sur le cas d'Elias, cet adolescent mortellement poignardé le 24 janvier 2024 pour avoir refusé de remettre son téléphone portable à deux mineurs de 16 et 17 ans. Le garde des Sceaux a rencontré les parents de ce dernier à leur demande, place Vendôme, ce mardi.

"Si leur fils est mort, c’est parce que l’État, la France n’a pas su le protéger. Je pense qu’il faut (mettre) les mots sur les choses et je leur ai dit comme je vous le dis", explique-t-il sur BFMTV-RMC, jugeant que "la modification de notre droit (...) pourrait permettre d'éviter ce genre de drames".

Dans son viseur: le fait que les deux mineurs étaient déjà connus de la justice. Mis en examen et arrêtés depuis les faits, ils avaient déjà interdiction d'entrer en contact. Or, les mesures "d'assistance éducatives" prises par les juges des enfants n'entraînent pas de sanctions si elles ne sont pas respectées, car "la loi ne le prévoit pas", souligne Gérald Darmanin.

"Si les policiers avaient contrôlé ces deux jeunes qui n’avaient pas le droit d’être ensemble juste avant l’assassinat d’Elias, alors (ils) n’en auraient pas tiré de conclusion particulière", avance-t-il. Et de juger que "ce qui manque dans notre droit, c'est la sanction".

"Nous sommes mauvais"

L'ancien ministre de l'Intérieur souhaite en ce sens ajouter plusieurs mesures par voie d'amendement au Sénat à la proposition de loi de Gabriel Attal pour durcir la justice des mineurs, adoptée ce jeudi à l'Assemblée. Si l'ancien Premier ministre et Gérald Darmanin veulent renforcer les sanctions envers les parents de mineurs délinquants, le patron de la place Vendôme estime que "l'État, lui-même, est parfois un parent défaillant".

"Nous sommes mauvais, nous l'État, nous la puissance publique, dans la protection des enfants. Parce que, souvent, le mineur de 14-15-16 ans qui vole des téléphones portables, donne des coups de couteau, trafique de la drogue, a parfois lui aussi été victime", commence-t-il, avant de développer son propos:

"Dans les émeutes de 2023, que j'ai bien connues quand j'étais ministre de l'Intérieur, sur les 3.000 gamins que nous avions interpellés (...) il y avait beaucoup d'enfants issus de l'aide sociale à l'enfance (...), élevés dans des familles totalement déstructurées pour lesquelles l'État n'a pas su être au rendez-vous pour les sortir de leur milieu de violence - ils avaient été violés, tabassés, n'avaient pas accès à l'école."

Le texte de Gabriel Attal, sur lequel le ministre compte s'appuyer, a provoqué une levée de boucliers dans le monde judiciaire. Plus d'une dizaine de syndicats et organisations d'avocats, de magistrats, et d'agents de la protection judiciaire de la jeunesse, avaient organisé mercredi des rassemblements pour s'ériger contre une "instrumentalisation de la justice pénale des mineurs à des fins sécuritaires". Ils ont demandé davantage de "moyens" pour mettre en œuvre plus efficacement les mesures déjà existantes.

Cette proposition de loi comprend une atténuation de l'excuse de minorité, une procédure de comparution immédiate pour les mineurs de 16 ans pour des faits graves ou encore un durcissement des sanctions envers les parents de mineurs délinquants.

Baptiste Farge