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Police-Justice

Islamisme en prison: les aumôniers dépassés par le phénomène

Un aumônier musulman rend visite à un détenu, à Fleury-Mérogis, en 2009.

Un aumônier musulman rend visite à un détenu, à Fleury-Mérogis, en 2009. - Mehdi Fedouach - AFP

Ils sont à peine plus d'une centaine à sillonner les établissements pénitentiaires en France pour maintenir un dialogue avec les détenus, parfois attirés par le radicalisme. Les aumôniers musulmans réclament plus de moyens pour continuer à travailler correctement.

Chérif Kouafi et Amedy Coulibaly partagent un point commun: c'est en prison qu'ils se sont connus, et c'est en prison qu'ils se sont définitivement radicalisés, transformant leur foi musulmane en une doctrine radicale de violence et de haine.

A Fleury-Mérogis, en 2005, où ils se sont connus, Chérif et Amedy, dit "Doly", nouent une amitié forte et tuent le temps en musclant leurs corps. Un fidèle de Ben Laden, Djamel Beghal, emprisonné dans le même bâtiment pour avoir voulu faire sauter l'ambassade américaine à Paris, les prend sous son aile, raconte l'Obs. Et finit de les persuader d'embrasser sa vision de l'Islam, déformée par le radicalisme.

Aurait-on pu éviter que ce trio ne se noue avec une présence plus forte d'aumôniers musulmans? Ou avec les mesures d'isolement des détenus islamistes, voulues par le Premier ministre? Zoom sur le phénomène mal connu des aumôniers musulmans, premier rempart contre la radicalisation en prison.

> Combien y a-t-il d'aumôniers musulmans en France?

Les aumôniers de prison musulmans sont au nombre de 150 environ en France, contre presque 700 aumôniers catholiques, 350 aumôniers protestants, et 70 aumôniers juifs. Or, l'Islam est une religion très représentée dans le milieu carcéral: l'an dernier, un peu plus de 18.300 détenus se sont enregistrés pour faire le ramadan, selon l'administration pénitentiaire, sur 67.700 détenus au total.

> Quel est leur statut?

Indispensables pour apaiser les esprits, les "pompiers de prison", comme les surnomment certains surveillants, sont les parents pauvres de l'aumônerie. Certains, rares, reçoivent de l'Etat des indemnités pour rembourser leurs frais de déplacement. Mais la plupart interviennent bénévolement dans le milieu carcéral, quelle que soit leur confession. "Voilà notre statut, un dénuement total, absolu, un manque de considération et de respect", s'indigne Mohamed Loueslati, aumônier des prisons de Basse-Normandie, de Bretagne et des Pays de la Loire depuis quinze ans.

Les aumôniers militaires, eux, sont assimilés à des officiers et sont payés comme eux. Et les aumôniers hospitaliers voient leur solde fixé par le Conseil d'administration de l'hôpital où ils travaillent.

Il n'existe pas de formation unique, mais les aumôniers doivent être agrémentés par l'autorité reconnue de leur religion pour pouvoir exercer. Des enquêtes sont ensuite menées sur chaque candidat par les préfectures et l'administration pénitentiaire, avant leur nomination.

> Quel rôle jouent-ils?

Même s'ils ont du mal à entrer en contact avec les fondamentalistes, les aumôniers musulmans jouent un rôle crucial en prison. "Le référent, c'est l'aumônier. Dans la prison où il n'y a pas d'aumônier, le référent c'est l'autoproclamé, celui qui ne sait rien de l'Islam et qui prêche la guerre, qui prêche la violence, qui radicalise les autres", assure Mohamed Loueslati.

Et ce, d'autant plus que l'enfermement amène parfois les détenus à se tourner vers la religion: "C'est comme quand on est malade et qu'on est alité ou en fin de vie. Il y a des moments dans la vie où il y a une demande spirituelle, et pour les détenus, entre quatre murs, il y a un retour à la religion. Ne serait-ce que pour dire 'On tourne la page, je veux être quelqu'un de bien'", analyse-t-il. "S'il n'y a pas quelqu'un pour accompagner les détenus, c'est un autoproclamé qui va faire ce travail, qui va répondre à cette quête."