Incendie de Notre-Dame: "On avait l'impression d'être des criminels", témoignent les ouvriers du chantier

La cathédrale Notre-Dame de Paris après l'incendie, le 31 mai 2019. - BERTRAND GUAY / AFP
Ils font partie des derniers à avoir pénétré dans la cathédrale Notre-Dame avant l'incendie. Trois ouvriers en charge des travaux de rénovation de l'édifice religieux ont raconté à Europe 1 comment ils ont vécu ce 15 avril, lorsque l'un des monuments les plus importants du patrimoine français a été ravagé par les flammes. Mais aussi le lendemain, quand ils ont été présentés comme les suspects numéro un.
"Une mauvaise blague"
Le chef du chantier, le conducteur de travaux principal et le directeur d’Europe Echafaudage assurent qu'ils n'oublieront "jamais" le jour de l'incendie, où le second, Franck Pagnussat a même cru a "une mauvaise blague". Ce dernier ajoute que lorsque la flèche est tombée, il s'est "effondré complètement." Il ne s'est cependant pas apitoyé longtemps, et a rapidement apporté son aide aux pompiers pour rentrer à l'intérieur du monument:
"J'ai escaladé la grille de Notre-Dame pour pouvoir ouvrir la porte aux pompiers. On a pris le chariot élévateur on a défoncé les grilles pour que les pompiers puissent pénétrer avec leur camion et sortir les œuvres d'art," explique-t-il à Europe 1.
Mais cet acte de courage a très vite été éclipsé dans l'imaginaire collectif. Le soir-même, l'équipe du chantier est convoquée par les enquêteurs de la police judiciaire. "À cet instant, je pense qu'on me considère comme coupable", confie le conducteur de travaux. Et d'ajouter:
"Quand je vois le premier titre des journaux ‘les ouvriers pour le moment libérés’, on avait l'impression d'être des criminels."
Insultes et menaces
Les salariés d'Europe Echafaudage ont ensuite été auditionnés à de nombreuses reprises par la brigade criminelle. Tandis que la piste d'une cigarette mal éteinte se développe, les ouvriers sont eux, pointés comme des responsables et subissent insultes et menaces. Des attaques qui visent aussi leurs familles.
Dès le mois de juin, la piste criminelle est définitivement écartée. Huit mois après l'incendie, aucun ouvrier n'a été mis en examen ou placé sous le témoin de statut de témoin assisté, rappelle Europe 1.
L'information judiciaire contre X ouverte pour "dégradations involontaires par incendie par violation manifestement délibérée d'une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, intervenues dans des conditions de nature à exposer les personnes à un dommage corporel" est, elle, toujours en cours.
Urgence impérieuse
Pour l'heure, la sécurisation de l'immense édifice gothique, toujours en état d'"urgence impérieuse", est loin d'être terminée. Le démontage très délicat de l'immense échafaudage édifié avant l'incendie prendra des mois. Dans la deuxième moitié de 2020 se feront le diagnostic, les choix architecturaux (avec ou sans concours d'architectes?), et les appels d'offres. La phase de reconstruction pourrait débuter en 2021.
Le parvis est par ailleurs toujours fermé, les différentes méthodes de dépollution du plomb appliquées n'ayant pas réussi à supprimer le plomb dans certains interstices et joints. Il faudra quelques semaines pour emprisonner le plomb par une technique dite de plastifiage, soit le dépôt d'une résine. Le parvis devrait être progressivement rouvert à partir de fin janvier, mais il faut un climat sec, pas trop froid pour avancer dans ces travaux.