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"Il n'a pas cherché à en savoir plus": une magistrate dénonce l'inaction de certains élus face aux violences conjugales

Des femmes dénoncent sur des pancartes les victimes de violences conjugales en France, lors d'une manifestation le 8 mars 2022 à Paris pour la journée internationale pour les droits des femmes

Des femmes dénoncent sur des pancartes les victimes de violences conjugales en France, lors d'une manifestation le 8 mars 2022 à Paris pour la journée internationale pour les droits des femmes - Alain JOCARD © 2019 AFP

La procureure de Compiègne fait part de sa colère après avoir eu à traiter une affaire de violences conjugales qui duraient depuis 50 ans. La victime s'etait confiée il y a deux ans au maire de sa commune, qui n'avait fait aucun signalement aux autorités.

"Si un signalement de la part du maire, DES maires, avait été transmis au procureur, les violences auraient pu cesser avant le 27 septembre 2022." C'est par ce constat amer que la procureure de Compiègne, dans l'Oise, conclut son récit: dans un message publié sur son compte Linkedin, la magistrat faire part de sa colère concernant le silence de certains élus dans les affaires de violences conjugales.

Elle déplore l'absence de recours à l'article 40 du code de procédure pénale, selon lequel toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République". Une procédure qui, si elle était appliquée, permettrait selon elle d'alerter et de mettre fin à certaines situations tragiques.

Une femme victime de violences depuis 50 ans

Pour illustrer son propos, Marie-Céline Lawrysz revient sur une affaire que son parquet vient de traiter. Le 27 septembre dernier, une septuagénaire s'est présentée à la gendarmerie pour signaler un cambriolage. À la fin de sa déposition, elle souffle à l'enquêtrice que son mari la frappe "depuis 1968", écrit la procureure. Juste après, cette femme quitte la brigade de gendarmerie.

La publication de la procureure de Compiègne sur Linkedin.
La publication de la procureure de Compiègne sur Linkedin. © DR

Alerté, le parquet de Compiègne ordonne l'interpellation du mari de cette femme. Le domicile du couple est également perquisitionné, un fusil et nombreuses cartouches y sont découverts. "Entendue, Madame relatera toutes les violences physiques, psychologiques et sexuelles subies durant 50 ans", poursuit la procureure dans cette longue publication diffusée sur le réseau social Linkedin.

"Elle en porte d’ailleurs une terrible trace, une énorme cicatrice au bras… celle provoquée par un coup de tesson de bouteille reçu en 1984", poursuit la magistrate, précisant que la victime a noté dans des carnets de comptes des dates et les violences qui se sont produites ce jour-là.

Les élus risquent des poursuites

Cette femme avait pourtant tenté d'alerter sur sa situation il y a deux ans. D'abord auprès d'une connaissance, qui lui avait conseillé de se rendre à la gendarmerie. La victime n'y était pas parvenue. Quelques semaines plus tard, elle parle de ce qu'elle subit depuis de nombreuses années au maire de sa commune.

"Je n’ai pas cherché à en savoir plus", a-t-il répondu aux enquêteurs qui l'ont interrogé dans le cadre de l'enquête.

Même réponse pour le nouveau maire. L'adjoint au maire confirme que la victime s'est confiée auprès de lui, sans que l'élu lui pose plus de questions.

C'est cette situation que dénonce la procureure de Compiègne. Marie-Céline Lawrysz déplore que, pourtant alertés, des élus ont passé sous silence des faits qui peuvent caractériser un délit. "Si un signalement de la part du maire, DES Maires, avait été transmis au procureur, les violences auraient pu cesser avant le 27 septembre 2022️", estime-t-elle.

Et la magistrate de prévenir: "Des poursuites pénales peuvent être engagées contre les élus qui savaient et n’ont jamais rien dit..."

3919: le numéro de téléphone pour les femmes victimes de violence

Le "3919", "Violence Femmes Info", est le numéro national de référence pour les femmes victimes de violences (conjugales, sexuelles, psychologiques, mariages forcés, mutilations sexuelles, harcèlement...). C'est gratuit et anonyme. Il propose une écoute, informe et oriente vers des dispositifs d'accompagnement et de prise en charge. Ce numéro est géré par la Fédération nationale solidarité femmes (FNSF).

https://twitter.com/justinecj Justine Chevalier Journaliste police-justice BFMTV