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Police-Justice

Gestion du maintien de l'ordre: ce qu'il faut retenir des auditions de Gérald Darmanin au Parlement

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Auditionné devant l'Assemblée nationale et le Sénat ce mercredi, Gérald Darmanin a réfuté tout usage excessif de la force par les policiers et gendarmes lors des manifestations contre la réforme des retraites ainsi que lors des violents affrontements à Sainte-Soline.

Qualifié de "ministre de la matraque" par l'Insoumis Thomas Portes, Gérald Darmanin a maintenu son cap concernant le maintien de l'ordre lors des manifestations contre la réforme des retraites et des affrontements à Saint-Soline, pointant la responsabilité de l'ultra-gauche.

Invité à s'exprimer tour à tour devant les députés et sénateurs tout au long de la matinée, le ministre a commencé son audition, régulièrement perturbée par les interventions hors micro des parlementaires, par un long exposé en projetant derrière lui plusieurs diapositives.

Chiffres sur les armes saisies, photos d'attaques de bâtiments publics, vidéos de policiers pris à partie sont autant de preuves de "l'extrême violence contre les forces de l'ordre", a-t-il estimé.

• 1191 interpellés en marge des manifestations dont 18 étaient fichés S

Depuis le 16 mars, 1191 individus ont été interpellés dans le cadre des manifestations. Parmi eux, 1169 ont été placés en garde à vue et 193 ont été déférés. "Ce qui représente un taux de défèrement de 16,5%, ce qui n'est pas un petit taux", a illustré Gérald Darmanin.

A la suite de ces gardes à vue, 57 personnes ont opté pour la reconnaissance de culpabilité, 68 ont été convoquées devant un délégué du procureur de la République. 46 individus sont actuellement concernés par une enquête preliminaire.

Parmi tous ces interpellés, 18 étaient des fichés S, a-t-il souligné.

• A Sainte-Soline, "l'ultragauche extrêmement présente"

Lors des débordements en marge des manifestations, Gérald Darmanin a affirmé que "l'ultragauche était extrêmement présente", notamment à Sainte-Soline.

"A peu près 200 personnes radicalisées à l'ultragauche étaient présentes sur le site (...) Si j'étais provocateur, je dirais qu'ils ont voulu prendre en otage (le mouvement social, ndlr)."

Et d'ajouter: "Plus de 800 objets type cocktails Molotov et armes blanches ont été saisis le 25 mars. Je rappelle que 48 gendarmes ont été blessés, quatre parmi les manifestants." De leur côté, les organisateurs de la manifestation interdite ont recensé 200 blessés, dont une quarantaine gravement, l'un d'entre eux - Serge - étant toujours dans le coma.

• Une "européanisation de la violence"

A Sainte-Soline, où 8000 personnes ont manifesté le 25 mars contre une réserve d'eau pour l'irrigation agricole, Gérald Darmanin a fustigé un "européanisation de la violence" avec la présence de membres de l'ultragauche venus de Suisse, d'Allemagne et d'Italie.

A ce titre, Gérard Darmanin a précisé que "4088 interdictions administrative du territoire (IAT) étaient actuellement en vigueur, dont une dizaine visaient des manifestants de Sainte-Soline".

L'IAT permet d'empêcher un étranger d'entrer en France lorsque sa présence constitue un danger grave. Elle est prononcée par le ministre de l'intérieur.

• Les forces de l'ordre victimes de la violence des contestataires, selon Darmanin

Face à ces mouvements que le ministre a qualifié de "contestations extrêmement violentes", ce dernier a réaffirmé son soutien aux forces de l'ordre, en dépit des critiques formulées par la Défenseure des droits, le Conseil de l'Europe ou le rapporteur spécial de l'ONU sur les défenseurs de l'environnement.

"Les policiers et gendarmes ne font que répliquer à des gens qui sont violents. Ce ne sont jamais eux qui, en premier, iraient dans les rues à Sainte-Soline, trouveraient des personnes dans un champ et les attaqueraient", a-t-il plaidé.

Plus tôt ce mercredi matin, sur BFMTV, Gérald Darmanin a également déclaré: "A priori, le corps social des forces de l'ordre n'est pas à mettre à l'équivalent des gens qui jettent des cocktails Molotov sur eux."

Une affirmation mise en doute par la députée LFI Clémence Guetté, présente à Sainte-Soline, qui a évoqué un "désastre humain", une "répression quoiqu'il en coûte", rappelant les 5000 grenades lacrymogènes lancées par les gendarmes.

"Le chaos s'est abattu sans distinction sur tous les manifestants, pour l'essentiel venus tranquillement et en famille", a-t-elle déclaré ce mercredi devant la commission.

• Pas d'impunité pour les forces de l'ordre, affirme le ministre

Le ministre de l'Intérieur a toutefois tenu à mesurer ses propos, expliquant que "si des policiers, de manière individuelle, ne respectent pas les ordres, il faut les sanctionner". Devant les députés et les sénateurs, il a ainsi rappelé que deux gendarmes assurant le maintien de l'ordre à Sainte-Soline ont été relevés provisoirement de leurs fonctionnements "car ils ont tiré au LBD depuis un quad, ils sont suspendus en attendant la vérité"

"Policiers et gendarmes représentent moins de 5% des fonctionnaires en France et ils concentrent 50% des sanctions. Il est donc faux de dire que les policiers et gendarmes ne sont pas contrôlés et sanctionnés", a-t-il insisté.

Le ministre en veut pour preuve que 41 enquêtes sont à ce jour en cours à l'Inspection générale de la police nationale tandis que 4 sont menées par l'Inspection générale de la gendarmerie nationale.

• L'intervention des secours à Sainte-Soline n'a pas été empêchée, martèle Darmanin

Le ministre a également été interrogé sur l'un des sujets les plus ardents de la mobilisation de Sainte-Soline: les accusations d'entrave à l'intervention des secours auprès des manifestants blessés. Il a répété à multiples reprises qu'il n'y avait pas eu de défaillances quant à l'action des secours.

"Il a fallu plusieurs jours d'insultes et d'atteintes à l'honneur des gendarmes pour comprendre finalement que les secours n'ont pas été empêchés d'intervenir auprès des manifestants blessés à Sainte-Soline", a-t-il insisté.

"Le premier appel pour signaler un blessé est à 13h49 aux pompiers, puis à 13h50 au SAMU. Il faut alors localiser le blessé, chose qui n'est pas aisée en plein milieu d'un champ. Le SAMU s'engage malgré tout sur le site, il est ralenti soit par des manifestants qui veulent être soignés, soit par des manifestants qui le prennent à parti. Nous décidons alors d'envoyer le médecin du GIGN qui se rend auprès du blessé", détaille-t-il.

Enfin, un hélicoptère de la gendarmerie a été mobilisé pour extraire le blessé dont la prise en charge fait débat depuis le 25 mars. "Cet hélicoptère n'était pas médicalisé, décision a donc été prise d'attendre celui du SMUR pour l'extraire".

Et Gérald Darmanin de rappeler: "En principe, les organisateurs de manifestation sont les responsables des services de secours. Mais devant l'absence de réponse répétée des organisateurs, l'Etat a déployé à Sainte-Soline 13 véhicules du SDIS, 3 équipes médicales de la gendarmerie nationale, 5 véhicules du SMUR. Le dispositif de secours mis en place par la préfecture était très conséquent."

• "La Brav-M n’est pas une unité"

Autre sujet majeur évoqué, celui des policiers de la Brav-M, cette unité à moto spécialisée dans le maintien de l'ordre à Paris, et très décriée pour ses pratiques jugées brutales. La commission des Lois de l'Assemblée nationale doit se prononcer sur la pétition réclamant la dissolution de cette unité.

Consulté sur l'opportunité de la dissoudre, Gérald Darmanin n'a pas répondu directement, faisant toutefois passer un message de soutien à la Brav-M.

"La Brav-M n'est pas une unité, ce sont des personnes qui sont des compagnies d'intervention évidemment formées au maintien de l'ordre. Elles utilisent des motos pour se déplacer et intervenir dans les manifestations qui sont beaucoup plus mobiles (...) On n'intervient pas en moto", souligne-t-il, "le conducteur s'arrête et celui qui est assis derrière lui descend du véhicule et intervient", explique le ministre.

Ambre Lepoivre Journaliste BFMTV