Féminicide de Mérignac: des "défaillances" dans le suivi du conjoint violent

Des fleurs sont déposées le 5 mai 2021 à Mérignac, près de Bordeaux, à l'endroit où une femme de 31 ans a été brûlée vive par son mari - MEHDI FEDOUACH © 2019 AFP
"Une suite de défaillances" peut "être reprochée à différents acteurs dans la communication et la coordination entre les services", dans le cadre du féminicide de Chahinez, le 4 mai dernier, à Mérignac, relève un rapport d'étape de la mission d’inspection de fonctionnement de l’inspection générale de l’administration et de l’inspection générale de la justice, a appris BFMTV auprès d'une source du ministère de la Justice.
La semaine dernière, dans cette ville située près de Bordeaux, un homme condamné à une peine de prison aménagée pour violences conjugales avait tiré plusieurs coups de feu sur sa femme avant de la brûler vive en pleine rue, un meurtre qui a suscité une vive émotion.
Les ministères de la Justice et de l'Intérieur avaient déclenché aussitôt une mission d'inspection pour étudier, notamment, les conditions de remise en liberté et de suivi de cet homme. Le rapport d'étape a été remis ce mercredi à Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, Eric Dupond-Moretti, garde des Sceaux, ministre de la justice et Marlène Schiappa, Ministre déléguée auprès du ministre de l'Intérieur.
"La mission doit se poursuivre pour caractériser ces dysfonctionnements et proposer les initiatives propres à y remédier. Le rapport définitif devrait être remis le 10 juin. Ses conclusions seront rendues publiques", poursuit cette même source.
Déjà emprisonné pour violences conjugales
Le meurtrier présumé, âgé de 44 ans et déjà emprisonné pour violences conjugales en 2020, a poursuivi dans la rue sa femme, Chahinez, mère de trois enfants. Il lui a tiré plusieurs coups de feu dans les jambes avant de l'asperger d'un liquide inflammable alors qu'elle était encore en vie et d'y mettre le feu. L'homme a ensuite mis le feu au domicile de la victime, âgée de 31 ans.
Mounir B., à la double nationalité franco-algérienne, avait été condamné le 25 juin 2020 à Bordeaux à 18 mois de prison dont neuf avec sursis pour "violences volontaires par conjoint" en récidive, sur son épouse.
Il avait été remis en liberté en décembre avec, entre autres, l'interdiction d'entrer en contact avec sa femme, condition qu'il n'avait pas respectée. Elle avait porté plainte mi-mars au commissariat de Mérignac pour une nouvelle agression. Mais l'homme, recherché, était resté "introuvable", selon les autorités.
Pas de bracelet électronique
Or il s'est ensuite présenté deux fois aux convocations de l'administration pénitentiaire, sans être inquiété. L'homme n'était pas équipé d'un bracelet électronique anti-rapprochement, un dispositif qui a fait ses preuves en Espagne et été introduit en France à partir d'octobre dernier pour tenter d'enrayer les féminicides (90 en 2020, après 146 en 2019).
L'objet s'accroche à la cheville des conjoints ou ex-conjoints violents et permet de les géolocaliser et de prévenir en cas de possible danger. Un système d'alerte se déclenche lorsque ces derniers s'approchent trop de leur conjointe ou ex-conjointe, qui garde toujours un boîtier avec elle, et les autorités sont immédiatement prévenues.
Ces bracelets "n'ont pas vocation à rester dans les tiroirs", a déclaré Eric Dupond-Moretti après le meurtre de Mérignac.
La Chancellerie dispose de 1000 bracelets anti-rapprochement (aussi appelés bracelets d'éloignement), mais les juridictions peinent pour l'instant à s'en saisir. Depuis leur lancement, seuls 76 ont été "prescrits" et 45 hommes en étaient équipés début mai, selon le ministère.
La victime n'était pas non plus équipée d'un téléphone grave danger, qui permet aux femmes d'appeler à tout moment les secours via une touche dédiée. Ces téléphone sont "distribués au compte-goutte", regrettent des associations, qui réclament qu'on en donne automatiquement aux victimes dès qu'il y a une tentative d'homicide.
"Ce drame et cette inspection des services doivent permettre une concertation entre les administrations, les associations et le Barreau", a réagi Me Solène Roquain-Bardet, qui était l'avocate de Chahinez depuis février dernier.
Coté police, Eric Marrocq, secrétaire régional Nouvelle-Aquitaine du syndicat Alliance, a indiqué n'être "pas surpris" par les conclusions du rapport d'étape, en soulignant que si les enquêteurs ont des "contacts" avec l'administration judiciaire, "il n'y a pas une réelle coopération" qui permette de leur faire redescendre toutes les informations.